Quelle rentrée !
On négocie partout, à Biarritz, à Bruxelles, à Téhéran, au Brésil… dans les partis politiques, dans les syndicats et dans les entreprises.
Que se passe-t-il?
D’abord la pression. Pression des réseaux sociaux, des médias, des citoyens, des ONG, du temps qui court, de plus en plus vite.
Puis, des conséquences, si non ne négocie pas…
La noblesse et les vertus de la négociation dans un univers de rapports de forces, d’insultes, de postures mussoliniennes, de faits accomplis reprend-elle ses droits ?
Ghassan Salamé, envoyé spécial de l’ONU en Lybie, rappelle dans un entretien avec Gaïzd Minassian au Journal Le Monde, quelques fondamentaux pour mener une négociation complexe.
- Prendre en compte la perméabilité des acteurs aux influences extérieures.
- Procéder à des accords par étapes plutôt que de vouloir trop rapidement un accord global.
- Identifier les acteurs qui vont faire partie de la solution.
- Dialoguer avec les acteurs susceptibles de saboter la solution.
- Convaincre les décideurs d’adopter des demandes réalistes.
- Et surtout…faire en sorte que chacun obtienne quelque chose d’important pour lui.
- Sans oublier de mettre en place une procédure de surveillance de l’exécution de l’accord.
Ghassan Salamé sait de quoi il parle : il a 17 groupes armés à convaincre en Lybie !
Pendant ce temps-là, les acteurs du G7 ont tenté d’appliquer ses conseils… et cela fonctionne tant bien que mal.
La discussion multilatérale se construit avec des entretiens bilatéraux avec tous les acteurs internes et externes aux différents litiges pour assouplir les prises de position extrêmes et l’inaction politique.
- Un cacique indien d’Amazonie est reçu et écouté avec respect.
- Un émissaire iranien autorisé est reçu et écouté avec respect.
- Un trublion anglais est reconnu et refuse de quitter le camp européen.
- Un trublion, représentant de la première puissance mondiale, est écouté et on lui permet de faire la part des choses entre ses engagements auprès de ses électeurs et sa responsabilité mondiale.
- On saisit l’opportunité de nouer les fils du multilatéralisme en remplissant le vide laissé par la faiblesse des acteurs allemands, canadiens et italiens. On multiplie également, les occasions de se parler et de créer de petits accords qui rendent ainsi le monde plus petit et renforcent les interdépendances.
Pendant ce temps, les acteurs périphériques, sentant le vent du boulet siffler à leurs oreilles, jettent aux orties les oripeaux idéologiques du libéralisme pur et dur hérités de l’époque des “Chicago boys” de Milton Friedman, prix Nobel d’économie 1976, qui déclarait :
“La responsabilité d’une entreprise est d’augmenter ses profits”.
Le lundi 19 août 2019, la Business Roundtable qui rassemble 188 chefs d’entreprise américains annonce que dorénavant :
“Nous nous engageons à apporter de la valeur à nos clients ; investir dans nos salariés. Cela commence avec une rémunération équitable et des prestations importantes (santé ; formation…) ; traiter de manière équitable et éthique nos fournisseurs ; soutenir les communautés dans lesquelles nous travaillons. Nous respectons les gens de nos communautés et protégeons l’environnement en adoptant des pratiques durables ; générer de la valeur à long terme pour nos actionnaires qui fournissent le capital… Chacune de nos parties prenantes est décisive.”
Dans les entreprises aussi on déclare vouloir négocier et respecter les parties prenantes autres que les actionnaires…
(Article du Monde d’Arnaud Leparmentier).
S’agit-il d’une renaissance du capitalisme ?
Ou bien d’assurer sa survie en se débarrassant des brebis galeuses, les moins éthiques, en se redonnant aux yeux des citoyens une légitimité de good guys ?
En effet seules 181 entreprises sur les 188 ont signé la déclaration citée plus haut ; parmi celles qui ont refusé on trouve General Electric et un fonds d’investissement important, Blackstone.
Qui seraient les brebis galeuses ?
- Les entreprises pharmaceutiques
- Les grandes entreprises du numérique
- Les entreprises du secteur des énergies fossiles
Entreprises, accusées de ne pas tenir compte de la santé, de la vie privée et de l’environnement et donc de nuire aux citoyens.
En France aussi le vent du boulet pousse les grands patrons à changer de discours en vantant les mérites d’une croissance inclusive. Mais n’est-ce pas la double crainte de voir les consommateurs-citoyens avoir plus de pouvoir de boycott et de voir les décideurs des politiques publiques devenir moins sensibles aux lobbyistes?
Restons optimistes.
Bonne rentrée
yves Halifa
27 août 2019
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