“Le monde d’après” ne parvient pas à négocier. Le monde d’avant est aux commandes.
Le dialogue social patine encore entre diagnostic “partagé”, concertation et négociation.
L’objet du débat?
Le télétravail.
L’irruption de cet objet né avec la civilisation numérique fait une fois de plus débat et provoque des tensions classiques entre organisations syndicales.
Raphaëlle Besse Desmoulières et Bertrand Bissuel en rendent compte dans un excellent article du quotidien Le Monde.
La tension la plus apparente reste pour l’instant technique: on encadre ou on laisse faire?
Derrière la sémantique sociale absconse, diagnostic, concertation ou négociation se profile le choix des organisation d’employeurs de laisser faire les accords d’entreprise et le choix des organisations de salariés d’encadrer le télétravail par des normes nationales.
Laurent Berger de la CFDT appelle à une “vraie négociation pour encadrer rapidement cette pratique. Le télétravail se redéploie sans règles négociées, ça va être une catastrophe.”
Le MEDEF avait pourtant initié une concertation sur ce sujet qui a été très mal vécue par les organisations syndicales de salariés parce qu’ils ont découvert que sous le prétexte d’une concertation il s’agissait de faire un diagnostic partagé déjà effectué en 2017 selon la CFTC.
Son secrétaire général déclare même; “on a déjà sorti un document d’une soixantaine de pages, que l’on avait transmis au ministre du travail de l’époque.”
La quasi totalité des responsables syndicaux souhaite en réalité une grande négociation sur ce sujet qui pourrait donner naissance à un A.N.I. (accord national interprofessionnel ) avec des normes s’appliquant à l’ensemble des entreprises.
En face, ni le MEDEF, ni la CGPME n’en veulent et préfèrent la situation actuelle résultant de pratiques et d’accords d’entreprise.
Une seconde tension reste sous-jacente.
Un sondage OpinionWay-Square Management publié récemment par le quotidien Les Échos révèle que près d’un tiers des actifs ont testé le travail depuis chez eux au cours des deux mois de confinement et 40 % souhaitent réitérer cette expérience de façon ponctuelle.
Le mot ponctuel est important. Ainsi, seuls 9 % des actifs interrogés disent souhaiter télétravailler à temps complet. La plupart des salariés qui voient le fait de travailler à leur domicile d’un bon oeil sont prêts à le faire une, deux ou trois journées par semaine.
Il y a donc ceux qui veulent et ceux qui ne veulent pas.
mais il y aussi ceux qui peuvent et ceux qui ne peuvent pas.
Les organisation syndicales sont pour l’instant unies et voudraient une règlementation nationale sur toute une liste d’objets potentiellement conflictuels:
– volume des tâches
– amplitude horaire
– processus de production
– frais mis à la charge du salarié
Sans parler du non dit actuel qui pourrait diviser tout le monde:
Comment faire quand une école ferme, ou que des enfants sont testés positifs et que les parents doivent télétravailler en même temps?
En effet, désengorger les transports quotidiens, encourager le télétravail, protéger les enfants scolarisés, protéger les seniors, mettre en place des protocoles sanitaires contraignants dans les entreprises, les médiathèques, les piscines… autant de contradictions à gérer par des politiques publiques aussi mouvantes que la circulation du virus.
Comment exercer le droit syndical dans l’entreprise avec des salariés adhérents, sympathisants ou non ne mettant presque jamais les pieds dans un lieu de travail collectif?
Effectivement le télétravail généralisé, qui se superposerait à une individualisation déjà très répandue poserait un problème existentiel aux organisations syndicales. La désaffection vis-à-vis d’elles constatée depuis longtemps ne pourrait que s’aggraver.
Les experts s’interrogent ainsi sur « la possibilité de maintenir un collectif à distance et un dialogue social dématérialisé ».
Comment faire entre entre travailleurs numériques et travailleurs non numérisables?
Alors que 46 % des catégories sociales supérieures ont pu travailler de chez elles, cela n’a été le cas que pour 18 % des personnes occupant des emplois moins qualifiés. « Les activités nécessitant aujourd’hui une présence physique des travailleurs sont majoritairement des métiers d’employés et d’ouvriers […]. Les indépendants, au premier rang desquels les commerçants dans l’alimentaire, forment aussi le bataillon de celles et ceux qui vont au front chaque jour », note France Stratégie dans une étude citée par Les Échos.
Si le télétravail n’était en fait qu’un révélateur d’un profond changement, d’une révolution dans les positions sociales de chacun?
Il faudrait alors plus qu’un dialogue social entre organisations du monde d’avant pour en débattre et fixer ou pas des normes de travail.
il faudrait un débat de société qui serait peut-être à sa place dans des instances plus larges.
Il y a des moments où la discussion entre diagnostic, concertation ou négociation n’a plus lieu d’être. Peut-être sommes-nous à l’un de ce moments clés où c’est la République et ses instances démocratiques qui doit décider?
des règles négociées concernant le télétravail sont nécessaires car, dans le confinement récent , il faut prendre en compte l’aménagement du poste de travail, l’inadaptation du matériel de télétravail ou du bureau à domicile qui peut engendrer des risques physiques (musculo-squelettiques, visuels, électriques…) liés à leur mauvaise ergonomie ou à une installation défectueuse, des risques psychologiques sont aussi importants : perte des limites entre vie professionnelle et privée, mesures concertées sur la déconnexion … ! : « La prévention des risques du télétravail » : https://www.officiel-prevention.com/dossier/formation/fiches-metier/la-prevention-des-risques-du-teletravail