Conversations entre adultes écrit par le ministre des finances grec de 2015 est un véritable thriller qui nous fait vivre les négociations secrètes d’une crise européenne comme si nous y étions. (LLL Les Liens qui Libèrent)
https://www.franceculture.fr/emissions/entendez-vous-leco/entendez-vous-leco-lundi-16-octobre-2017
Au-delà du témoignage historique c’est un véritable manuel de négociation utilisable dans le quotidien des entreprises.
Rapport du faible au fort, réponses aux tactiques déloyales, renégociation des mandats, gestion du temps, sont les thèmes abordés, de la préparation à la conduite des négociations en situation de crise.
Les personnages principaux de ce drame grec et…européen.
Alexis Tsipras, dirigeant du parti Syriza (gauche radicale), vainqueur des élections, Premier ministre grec.
Yanis Varoufakis, économiste, ministre des finances.
Jeroen Dijsselbloem, président de l’Eurogroupe.
Christine Lagarde, présidente du FMI.
Wolfgang Schauble, ministre des finances allemand.
Michel Sapin, ministre des finances français.
Pierre Moscovici, commissaire européen.
La Troika, nommée également « les institutions », composée du FMI, de l’Eurogroupe et de la BCE (banque centrale européenne), chargée de faire exécuter le plan de renflouement de la Grèce pour payer ses créanciers.
Quelques jours avant les élections
La négociation du mandat
Conversation entre Alexis Tsipras et Yanis Varoufakis :
-
Yanis ! tu te rends compte que, si on gagne les élections, c’est toi qui va mener les négociations avec le FMI et l’Union européenne ?
-
Oui Alexis, pour pouvoir négocier avec un minimum de crédibilité il me faut ton soutien, celui de ton cabinet, de l’ensemble du gouvernement, du parlement et de nos électeurs.
-
Que comptes-tu nous proposer Yanis ?
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Un plan de restructuration de la dette en séparant la dette de l’État et celle des banques. Il faut montrer à nos créanciers qu’ils ne retrouveront leur argent que s’ils abandonnent le plan actuel de la troïka qui engendre de la souffrance sociale et le creusement sans fin de notre dette sans retour possible à la croissance.
-
Que faire, Yanis si les représentants de l’Europe rejettent d’emblée nos propositions et insistent pour continuer à nous imposer de nouveaux prêts en série avec privatisations, diminution des retraites et suppression des prestations sociales ?
-
Leur dire non ne se fera pas sans payer un prix. La troïka menacera de fermer les banques et nous devrons leur montrer notre détermination à faire nos propres réformes et pas les leurs.
-
Un Grexit alors ?
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Non, ce serait une solution de rechange moins pire que l’acceptation de leur plan. Mais il faudra s’y préparer car ils auront peur que nous y allions. La Grèce doit rester européenne avec l’euro en retrouvant sa dignité.
-
On commence par quoi dans les trois premiers jours de notre gouvernement ?
-
On dit la vérité aux Grecs : l’État n’a pas assez d’argent pour soutenir les banques ; il faut donc les vendre aux européens.
-
Comment vais-je faire accepter ça à la base de Syriza ? On va me dire que je brade les banques aux étrangers ?
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Tu as le choix entre entretenir l’idée de créer un paradis socialiste au cœur de la zone euro ou renforcer notre prison pour dettes. Je te propose autre chose, négocier une restructuration de la dette, c’est-à-dire payer ce que l’on peut payer en relançant la croissance et donc les investissements.
Mais, comment en est-on arrivé là ?
L’impact de la crise de 2008 a été violent pour la Grèce parce que l’insuffisance de développement, la mauvaise gestion et la corruption endémique rendait ce pays fragile.
Son insolvabilité était due aux défauts de fabrication fondamentaux de l’Union européenne et de son union monétaire.
La pénurie de crédit (credit crunch) avait conduit les banquiers européens en faillite à cesser d’accorder des prêts en 2009.
Trois banques françaises ne pouvaient récupérer qu’1euro pour chaque tranche prêtée de 30 euros. Il fallait trouver 562 milliards d’euros…
En Allemagne, il fallut se rendre à l’évidence qu’il y avait 406 milliards à trouver pour que les banques puissent fonctionner.
Et ce n’était qu’un début.
En 2010, les secteurs privé et public grecs étaient incompétents, corrompus, hypertrophiés et endettés. C’est pourquoi la crise de l’euro a commencé là.
Les institutions européennes, Eurogroupe et BCE ont été rejoint par le FMI pour former le bras armé des créanciers de la Grèce ; nommées la Troïka ils ont imposé aux différents gouvernements grecs, de gauche puis de droite, un plan dit de renflouement, très dur socialement avec privatisations, réformes difficiles menées sous leur autorité par des consultants qui ont essaimés dans tous les les organes de pouvoir grecs.
Ce qui a conduit une majorité de grecs à voter en 2015 pour Syriza, un parti à base populiste, dit de gauche radicale, dirigé par Alexis Tsipras qui sera rejoint par un économiste nommé au ministère des finances, Yanis Varoufakis.
Trois ans après sa sortie du gouvernement, trois ans après qu’Alexis Tsipras a décidé de suivre le plan de la troïka, trois ans après avoir désavoué le plan de son ministre des finances, Yanis Varoufakis se lâche et « balance » à tour de bras les secrets d’alcôve de l’Europe et nous donne une grande leçon de négociation.
Comment convaincre les contribuables européens d’aider à sauver leurs banques ?
Jean-Claude Juncker[1] avait la solution :
« Quand les choses deviennent sérieuses, il faut mentir ».[2]
Yanis Varoufakis avait une autre stratégie :
« J’ai tâché d’envisager les rôles des autres et le mien à travers le prisme d’une vraie tragédie grecque ou shakespearienne, dont les personnages, ni bons ni méchants, sont dépassés par les conséquences de leurs actes. » [3]
La préparation des négociations
Yanis : Comme je savais qu’Alexis Tsipras, le nouveau premier ministre, était coincé entre ceux qui avaient intérêt à ce que la Grèce demeure une colonie pénitentiaire, et ceux qui voulaient qu’il construise un paradis socialiste au cœur de la zone euro, j’avais décidé de suivre le conseil d’Adam Smith :
« Ce n’est pas de la bienveillance du boucher, du brasseur ou du boulanger que nous attendons notre dîner, mais plutôt du soin qu’ils apportent à la recherche de leur propre intérêt. Nous ne nous en remettons pas à leur humanité mais à leur égoïsme, et nous ne leur parlons jamais de nos besoins mais de leurs avantages. »
Négociation du mandat (bis) : ma première négociation fût avec le parlement.
Les partis d’opposition :
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Négociez tout ce que vous voulez, mais hors de question de rompre avec la troïka ! [4]
Yanis Varoufakis :
- Si vous n’envisagez pas de quitter la table des négociations, il vaut mieux ne pas vous y asseoir. Notre mission, celle qui nous a été confiée par les électeurs le 25 janvier 2015, est de négocier. Ce qui veut dire travailler à éviter la rupture tout en refusant de l’exclure. Quand on est dans une position de faiblesse, il est plus prudent de mettre en avant ce qu’on accepte, et ensuite de défendre ses positions, sans bluffer ni biaiser à coups de stratagèmes.
Alexis Tsipras et Yanis Varoufakis :
-
Tu as vu, Yanis, ils vont être dur avec nous.
-
Je préfère cela Alexis; en 2012 les gens privatisaient leur douleur. Aujourd’hui ils l’expriment. Tu as fait, avec le parti Syriza, des promesses, il faut les tenir.Toi, tu fais de la politique, et moi je négocie notre sortie de prison pour dettes.
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Pourquoi, Yanis, on ne pourrait pas leur dire : si vous refusez qu’on retoque unilatéralement votre plan, on quitte l’euro ?
-
Nous avons, je te le répète encore Alexis, trois solutions : une restructuration de la dette avec la fin de l’austérité et des réformes visant l’oligarchie en restant dans la zone euro. Un Grexit. On reste dans la prison pour dettes avec un horizon de rétablissement incertain. Je choisis la première.
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On ne serait pas mieux sans l’euro, Yanis ? comme me l’a dit Paul Krugman[5]?
-
Nous aurions l’obligation de créer une nouvelle monnaie qui prendrait des mois, avec fuite des euros et pénurie de toutes sortes.
Le temps filait à toute vitesse depuis que Yanis avait pris possession d’un ministère vide de tout ordinateur et peuplé de fonctionnaires inquiets.
Yanis : Je n’ai pas eu le temps de me préparer calmement, que Jeroen Dijsselbloem, a débarqué dans mon ministère, 3 jours après mon installation, avec une suite impressionnante, dont Thomas Wieser, président du groupe de travail Eurogroupe.
-
Bonjour Jeroen, tâchons de faire mentir les médias, qui s’attendent à une confrontation du type, « Le train sifflera trois fois ».
-
Quelles sont vos intentions vis-à-vis de notre plan pour la Grèce, mon cher Yanis?
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Nous reconnaissons hériter d’un certain nombre d’engagements, mais nous attendons de nos partenaires qu’ils admettent que nous avons été élus pour renégocier.
-
Ça ne peut pas marcher ! Le plan c’est comme un cheval. Soit il est vivant et il faut le chevaucher, soit il est mort, alors il est mort.
-
Monsieur Jeroen Dijsselbloem, vos chiffres montrent que même si le plan est appliqué, même si la Grèce reçoit les milliards du second renflouement, il nous manquera 12 milliards d’euros. Où allons-nous les trouver ?
-
Réfléchissez, si les investisseurs privés se rendent compte que la dette ne sera pas restructurée ils vont s’enfuir et vous n’aurez rien à récupérer.
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Vous ne comprenez pas, Yanis, le plan en cours doit être appliqué jusqu’au bout. Il n’y a pas d’autres solutions.
-
Vous les trouvez où ces 12 milliards ?
Silence
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Il y a une autre solution, Yanis : nous sortons ensemble faire une conférence de presse où nous annonçons que le plan s’est crashé !
-
Vous me menacez du Grexit, Jeroen ?
-
Je n’ai jamais dit ça.
-
C’est un ultimatum.
Jeroen hausse les épaules, muet.
-
Nous n’avons pas été élu pour aller au clash.
Face à l’impasse nous sommes passé à la rédaction d’un communiqué de presse. La salle était bondée et la première question a été pour Jeroen :
-
Seriez-vous d’accord pour organiser un sommet international sur la Grèce ?
-
L’Europe a déjà une conférence permanente c’est l’Eurogroupe.
Puis une question m’a été posée :
-
Êtes-vous disposé à coopérer avec la Troïka ?
-
Il faut distinguer les institutions de l’Union européenne et le FMI dont la Grèce est membre et le comité tripartite qui est là pour nous imposer un plan que nos électeurs veulent remettre en cause.
Jeroen se retourne vers moi, furibond et se met en mouvement pour sortir.
Je le bloque devant tout le monde en lui tendant la main.
A partir de là tout s’est enchaîné avec une logique implacable, j’essayai d’obtenir le droit de négocier et on m’opposait un refus total pendant qu’en coulisse certains préparaient des pièges tactiques, des pièges relationnels et des contre-vérités.
L’ouvrage nous fait vivre les 160 jours de négociation du ministère de Yanis Varoufakis avec la description analytique des obstacles du négociateur raisonné face aux obstructions, aux manipulations et aux attaques dont il fut la victime.
Voici une liste non exhaustive des barrières à la négociation à franchir pour obtenir de droit de négocier.
Les pièges relationnels
Pendant que la presse publiait les encouragements de Christine Lagarde à notre égard :
-
Ils sont compétents, intelligents, ils ont réfléchi aux différentes questions qui se posent. Il faut les écouter. Nous allons commencer à travailler ensemble. C’est un processus qui débute à peine et qui durera un certain temps.
D’autres organes de presse manipulaient l’opinion ainsi :
-
Les hauts responsables des finances de la zone euro estiment que la façon dont Varoufakis mène les discussions est irresponsable ; ils l’accusent d’être lent, flambeur et amateur – à en croire une source qui a demandé à rester anonyme, sachant que ces discussions sont privées.[6]
Vous n’êtes pas raisonnable
Pendant que Yanis Varoufakis cherchait à inventer de nouvelles options, le président des États-Unis, Barack Obama faisait pression pour qu’il cède :
-
Je sais. Je sais, Yanis. Y en a marre de l’austérité ! mais vous devez accepter de faire des compromis avec les institutions pour arriver à boucler un accord.
Yanis répondait :
-
Monsieur le président, nous sommes prêts à faire des compromis, encore des compromis, toujours des compromis. Mais nous ne sommes pas prêts à finir compromis.[7]
Le double langage
On lui avait préparé une fiche de présentation de ses nouveaux interlocuteurs, avec, entre autres, Michel Sapin, avec lequel il avait eu un entretien privé chaleureux et encourageant pour résister au plan de la troïka.
On lui avait décrit le Français ainsi :
Agé d’une soixantaine d’années, de tempérament jovial, il était le seul ministre de l’Eurogroupe à ne pas parler l’anglais, mais il le compensait par une attitude chaleureuse.
Il avait une façon très latine de parler avec les mains et de bouger son corps, et je me suis senti parfaitement bienvenu.
A la sortie de l’entretien il était convenu d’une conférence de presse commune.
Quelle ne fut pas la surprise de Yanis !
Michel Sapin déclara:
-
La Grèce a un certain nombre d’obligations et le gouvernement devrait les honorer. Il faut accepter la discipline et envisager la flexibilité dans le cadre des accords signés.
Yanis se retourna vers lui :
-
Qui êtes-vous Michel ?
Les obstructions
Restait le moment de choix, le clou de la négociation,
A la table de l’EUROGROUPE[8]
Imaginez, nous dit Yanis, une table rectangulaire où s’assoient de part et d’autre, face à face, les ministres et leurs adjoints (un par ministre). A une extrémité, le président, Jeroen Dijsselbloem avec le président du Groupe de travail, Thomas Wieser, et les représentants du FMI, Christine Lagarde et Poul Thomsen.
À l’autre extrémité de la table, le commissaire européen chargé de l’Euro et du Dialogue social et Pierre Moscovici et les représentants de la BCE, dont son président Mario Draghi.
Voici quelques extraits édifiants des 10 heures de ce débat :
Yanis
-
Ne nous considérez pas comme des adversaires. Nous ne voulons pas sortir de l’Euro. Nous souhaitons négocier avec vous un nouveau contrat avec des réformes structurelles socialement acceptables, sachant que les grecs ont rejetés démocratiquement l’agenda précédent et son Mémorandum.
Michel Sapin retourne sa plaque pour signifier sa demande de parole et se prépare à approuver mes propos ; mais, Wolfgang Schäuble renverse agressivement la sienne, et déclare :
-
Des élections ne sauraient changer une politique économique !
Pendant la pause je demande au secrétariat de distribuer mes propositions aux autres ministres mais on m’a dit que ce n’est pas possible.
-
La procédure implique que ces propositions soient soumises au Bundestag et Wolfgang Schäuble, le ministre allemand s’y opposerait.
Dépité, j’accepte de passer à la rédaction d’un communiqué « commun » ; on me propose le texte suivant pour approbation :
-
La Grèce s’engage à appliquer le Mémorandum du second plan de renflouement avec la flexibilité maximum.
C’est comme si l’on me disait, vous pouvez avoir cette Ford T dans la couleur de votre choix du moment qu’elle soit noire.
-
Je pourrais être d’accord si on écrivait, « amendé », financièrement sain, fiscalement soutenable et socialement juste.
La séance est suspendue.
Je relis mes notes et tombe sur le portrait de Wolfgang Schäuble :
C’est un avocat pur jus.
Ses connaissances en économie sont faibles.
Je l’ai souvent vu confondre rendements et prix, et faire référence à des données financières sans comprendre ce qu’elles signifiaient.
Déteste au plus haut point les marchés. Pense qu’ils sont contrôlés par les technocrates.
Il prend presque plaisir à jouer le rôle du sale flic.
Mais : C’est un européiste ardent.
L’ultimatum
Wolgang Schäuble :
-
Je refuse le mot « amendé », car cela nécessiterait un passage à nouveau devant le Bundestag. Donc, vous acceptez ce communiqué en l’état ou bien les banques grecques ferment !
La menace
Jeroen Dijsselbloem :
-
Yanis, vous ne quitterez pas cette pièce sans communiqué commun. Vous avez une date butoir stricte. Toute extension demande une validation devant 4 parlements. Vous n’avez donc pas le temps.
-
Je vous dis Non.
Soyez raisonnable
Christine Lagarde :
-
Le gouvernement grec a le droit d’être « entendu ». Que pensez-vous du mot «ajusté» plutôt qu’ «amendé» ?
Yanis :
-
Je pourrais être d’accord si en plus l’Eurogroupe s’engageait à nous aider à résoudre la crise humanitaire liée à ce Mémorandum.
L’obstruction, à nouveau
Jeroen Dijsselbloem :
-
Inacceptable !
Pendant la pause : Christine Lagarde :
-
Acceptez « ajusté », Yanis, et retirez crise humanitaire…
-
Mon premier ministre n’acceptera pas car il sera en difficulté devant son parti.
S’en suit, une heure de négociation téléphonique entre Yanis et Alexis.
La pièce était aveugle, les lumières fluorescentes… Yanis commençait à craquer.
Les trucages
Jeroen Dijsselbloem :
-
Mon collègue finlandais a dû aller prendre son avion, WS s’est absenté, on ne peut plus toucher au texte ce soir.
Wolgang Schäuble est revenu.
Christine Lagarde me dit que j’ai commis une erreur.
Les ministres se dirigent vers la sortie.
On me dit en off:
-
Vous voulez vraiment quitter l’euro ?
La pression des absents
Alexis m’appelle pour me dire Bravo ! les gens sont dans la rue à Athènes et font la fête.
Les journalistes nous attendaient :
-
Cette réunion a été chaleureuse et nous a permis de faire connaissance. Il y en aura une seconde. Le but n’était pas de prendre des décisions.
Intermède
On me balade
Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne m’annonce qu’il est d’accord pour reprendre mes propositions.
Seconde réunion de l’Eurogroupe:
Avant, Pierre Moscovici me rassure et me montre le texte de Jean-Claude Juncker qui va être soumis à l’Eurogroupe.
Nous allons, lui et moi, dans le bureau de Jeroen Dijsselbloem :
Le texte a changé en pire. Même le mot « ajusté » a disparu.
Pierre Moscovici regarde ses chaussures sans rien dire…
Wolgang Schäuble avait repris les commandes.
La suite de cette descente aux enfers du choix entre rompre et céder fût un long cortège de tactiques déloyales.
Je ne suis pas décisionnaire
-
Mario, si le retrait de la dérogation de bénéficier des liquidités de la BCE a lieu le lendemain du jour où les actions des banques ont gagné 20%, j’estime que vous serez personnellement responsable.
Draghi avait l’air dans ses petits souliers.
- Je ne suis pas décisionnaire, c’est le Conseil des gouverneurs de la BCE qui décide. Je ferai de mon mieux. Mais tout ne dépend pas de moi.
Ma fiche de préparation était rassurante :
il croit au destin d’une Europe à l’allemande (incapable de comprendre que c’est une contradiction dans les termes). C’est quelqu’un avec qui on pouvait débattre.
Demander conseil quand on ne peut plus négocier
-
Sachant que dans une semaine ou deux nous n’aurons plus un sou pour rembourser le FMI ni verser les retraites et les salaires que me conseillez-vous ?
-
Suspendez les retraites, vous n’avez pas le choix.
Entre temps, l’influence de la chancelière allemande, Angela Merkel, sur Alexis s’était peu à peu affirmée.
Le court-circuit
Angela à Alexis :
-
Je vous propose de décharger Wolfgang Schäuble et vous annulez Yanis. Et nous deux, Alexis, une fois ces deux-là « annulés », on s’entend ? on crée ainsi un troisième niveau de pourparlers.
Je me raccrochai donc à Christine Lagarde, la seule de mes interlocuteurs/trices avec qui le contact passait vraiment.
-
Nous devons avoir une conversation d’adultes, donnez-nous une feuille de route, Yanis ; dites-nous quand la Grèce sera viable ?
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Si nous n’avons aucune nouvelle liquidité d’ici le 9 nous serons en défaut de paiement.
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Écoutez-moi, Yanis, je veux bien avoir une conversation d’adultes mais sans drame, sans journalistes me courant après, sans cachotteries, sans improvisations.
Et nous parlâmes du triangle des péchés : banques grecques en faillite et corrompues, chaînes de télévision toxiques, oligarchie…
Et je me souvins des conseils qu’un ancien président d’Harvard, Larry Summers m’avait donné :
Insiders et outsiders
-
Yanis, vous avez fait une erreur ![9] Vous avez gagné les élections. Il y a deux types de politiciens. Ceux qui en sont, les insiders, et ceux qui n’en sont pas, les outsiders. Les seconds privilégient leur liberté de parole pour donner leur version de la vérité. Les insiders ont un principe sacro-saint : ne jamais se retourner contre leurs pairs et ne jamais dire ce qu’ils font ou disent aux autres.
ALL IS LOST !
Alexis Tsipras provoqua un référendum sur l’acceptation du plan de la troïka.
Moi, Yanis Varoufakis, je votais NON comme plus de 55% des grecs.
Alexis décida de faire comme si le OUI l’avait emporté.
J’étais un négociateur en échec.
Yves HALIFA
31 janvier 2018
[1] Actuel président de l’Union européenne
[2] http://www.telegraph.co.uk/news/worldnews/europe/eu/10874230/Jean-Claude-Juncker-profile-When-it-becomes-serious-you-have-to-lie.html
[3] Préface
[4] Députés de Nouvelle Démocratie et du Pasok
[5] Prix Nobel d’économie
[6] Communiqué Bloomberg
[7] Maison Blanche 15 avril 2015
[8] Institution informelle sans statut légal. Il réunit les 19 ministres des finances de la zone euro.
[9] Larry Summers, ex-président d’Harvard, à Yanis Varoufakis le 16 avril 2015.
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