Histoires de chaussures.
Comment garder ses nerfs…
Pourquoi réagit-on au quart de tour aujourd’hui plus qu’hier ?
Pourquoi de nombreux dirigeants ne prennent-ils pas le temps de la réflexion pour exprimer leurs opinions ou leurs décisions ?
En réagissant très vite à l’injonction du moment, ils se tirent une balle dans le pied en laissant fonctionner la machine à rumeurs et ancrent dans la mémoire collective des images déformées, souvent négatives.
La chaussure de Nikita.
Non, Nikita Khrouchtchev, ancien dirigeant de l’URSS en 1960 n’a pas brandi sa chaussure à l’assemblée générale de l’ONU; cette photo a été truquée…mais, en revanche il s’est bien énervé en hurlant et en tapant des poings sur son pupitre durant de longues secondes.
Mais ce qu’on a retenu ce fut l’absence de dignité du porte-parole de la seconde puissance nucléaire de l’époque.
http://www.ina.fr/video/VDX14033726
Le coup de pied aux fesses des journalistes.
La France, comme lui demande Allemagne, stoppera-t-elle ses exportations aux Saoudiens malgré le meurtre du journaliste Khashoggi? Pas de réponse.
En visite au salon Euronaval, le président de la République a refusé de répondre mardi 23 octobre aux questions sur un éventuel arrêt des ventes d’armes de la France à l’Arabie Saoudite, comme l’a demandé l’Allemagne à tous les Européens.
Dimanche, la chancelière allemande Angela Merkel avait prévenu que Berlin n’autoriserait pas en l’état d’exportations d’armes vers l’Arabie saoudite. Le Premier ministre canadien Justin Trudeau avait affirmé ne pas exclure que le Canada puisse annuler un important contrat de vente d’armes à Ryad.
Ce n’est pas parce qu’un dirigeant dit quelque chose que je suis censé réagir à chaque fois. Et donc je ne vous répondrai pas,
a répondu Emmanuel Macron au journaliste qui l’interpellait.
Il est certain qu’un dirigeant se trouve parfois dans une position inconfortable face à une question dont la réponse n’est pas simple.
Comment dire à la presse, qui vous interpelle, ce que vous avez en tête sans d’abord avoir réfléchi aux conséquences de votre parole qui engage ?
Peut-être ainsi ?
Vous avez décidé d’interrompre ma visite en m’interpellant à chaud sur un très grave problème humain et diplomatique qui mérite une réponse puissante et concertée. Laissez-moi le temps d’honorer les personnes qui m’ont invitées sur ce salon et je vous reparlerai de la position de la France lors d’une conférence de presse ultérieure.
Ce qui est à l’œuvre dans une réponse raisonnée c’est la mise en relation de trois clés fondamentales :
- La prise en compte de l’interpellation et donc le respect de celui qui vous interpelle.
- L’attitude descriptive et non analytique de ce que vous subissez.
- La garantie que vous allez répondre sur le fond à un moment plus approprié.
La forme détermine le fond.
En l’occurrence la forme, très offensive, voire agressive, ne peut que braquer les journalistes et occulter le fond du problème.
Attendez ! on va avoir une règle simple.
(c’est lui qui fixe la règle de manière unilatérale…)Mon agenda n’est pas dicté par les médias. Que ça vous plaise ou non.
(la Presse n’a pas à interférer dans mon planning. Circulez ! il n’y a rien à négocier…)Et ça n’est pas parce qu’un dirigeant dit quelque chose que je suis censé réagir à chaque fois. Et donc je ne vous répondrai pas. Mais je ferai toujours ça et j’ai toujours fait ça depuis le début.
(Ce n’est pas la peine de vous offusquer ; c’est mon mode de fonctionnement et vous le savez…)
Si les sujets ne vous intéressent pas, n’y venez pas.
Je suis sur un autre sujet totalement. J’ai un peu de respect pour les gens que je viens voir. Sincèrement, je ne sais pas comment vous procédez les uns et les autres. Si les sujets qui sont liés à ce qu’on est en train de voir ne vous intéressent pas, n’y venez pas. Mais ça n’est pas une conférence de presse sur d’autres sujets. Ça n’est pas une conférence de presse pour réagir aux déclarations de la chancelière d’Allemagne.
Non mais… Je vous dis simplement que ça n’a rien à voir avec le sujet qu’on est en train de traiter. Rien. Rien. Donc je n’y répondrai pas. Je le regrette, mais tant que je serais à la place où je suis, ça continuera à être comme ça, que ça plaise ou que ça déplaise !
La chaussure de Mosco.
Nous sommes dans l’enceinte du parlement européen…
Le parlementaire italien, Angelo Ciocca se lève.
Il marche vers la tribune, vient aux côtés du commissaire européen Pierre Moscovici, s’empare d’une partie de ses notes, enlève sa chaussure, la frotte sur la liasse de feuilles.
Ce n’était pas en 1960, mais le mardi 23 octobre dans l’enceinte du parlement européen. Trois jours plus tard, M. Moscovici a réagi à cette provocation en qualifiant de « fasciste » l’eurodéputé d’extrême droite.
Il est même allé plus loin…
C’est un crétin, un provocateur, un fasciste. Son geste est grotesque
a affirmé M. Moscovici sur la chaîne CNews. Il était interrogé après la conférence de presse où le commissaire avait annoncé le rejet du budget italien.
Crétin ! Fasciste ! Provocateur !
Ce sont des invectives, des insultes qui ne peuvent qu’envenimer la situation.
Quoi dire ?
Il existe une différence fondamentale entre opinions et ressentis.
On peut toujours contester une opinion car elle est accusatrice.
On peut plus difficilement contester un ressenti car il est objectif.
Encore une fois la clé reste le « descriptif ».
J’ai été scandalisé, choqué, humilié par le geste de ce parlementaire qui s’est cru autorisé, du fait de sa légitimité électorale, à bafouer non seulement les règles élémentaires de la démocratie, mais celles du respect dû aux personnes quelles qu’elles soient. Je me suis senti rabaissé dans ma personne et dans ma fonction et je suis certain que l’institution qui est frappée ainsi derrière ma personne ne saura tolérer de tels agissements.
Facile à dire, pensez-vous peut-être ?
Quand on est dirigeant, l’exemplarité doit être la règle.
Travailler son comportement est essentiel pour qu’il soit imité dans nos collèges et lycées.
Yves Halifa
28 octobre 2018
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