Savoir dire NON, c’est apprendre à dire OUI.
Les stewards d’Air France ne sont pas contents de desservir la Papouasie Nouvelle Guinée.
La direction des ressources humaines d’Air France reste inflexible : il faut respecter les lois en vigueur dans le pays où l’on va.
Cet argument a fait long feu face au NON des syndicats d’hôtesses d’Air France à qui on voulait imposer le vêtement islamique conforme à la loi iranienne dès leur arrivée à Téhéran.
Cette soumission à la culture de l’autre, n’est que le reflet d’une croyance très répandue: il faut s’adapter à l’autre pour faire des affaires avec lui.
Négocier avec des chinois? adaptons-nous à la culture chinoise.
Négocier avec des américains? devenons américains.
Négocier avec des truands? Négocier avec des pédophiles?
Une fois de plus la distinction entre négociable et non négociable doit être précisée.
Apprendre à dire NON c’est montrer ce qui n’est pas négociable et faciliter le OUI vers ce qui est négociable.
Pour négocier il faut d’abord savoir dire NON avant de dire OUI.
NON! négocier ce n’est pas s’adapter, négocier c’est d’abord exister.
Dire NON est nécessaire pour défendre des valeurs, sauvegarder sa dignité, exister face aux autres.
Pour le dire il ne faut pas avoir peur de l’image de soi que l’on va donner aux autres.
Exercer le pouvoir du NON en trouvant le chemin du OUI par le respect de l’autre sont les termes de l’équation gagnante.
Il y a ceux qui ont su dire un NON positif
Gandhi, à la violence
Simone Veil, aux avortements clandestins.
Emile Zola, aux erreurs judiciaires
Victor Schoelcher, à l’esclavage
Jean Jaurès à la guerre
Nelson Mandela à l’apartheid
Il y a également des NON collectifs, tels ceux de la Résistance, par exemple.
Il y a ceux qui expriment un NON négatif
- Les électeurs néerlandais ont voté NON à 61,1% des voix à tout accord d’association entre l’U.E. et l’Ukraine mercredi dernier.
- 47% des Français ne souhaitent pas voir la France accueillir de réfugiés: “On a suffisamment de problèmes en France non ?” Mais dans un NON négatif se profile parfois un OUI à autre chose:
Parmi les manifestants qui disent NON à la loi travail, à l’aéroport de Notre-Dame des Landes, il y a des personnes qui cherchent à construire des OUI encore inexprimés, encore à construire comme les collectifs La Nuit Debout.
Que disent-ils?
“Nous voulons redevenir des citoyens actifs et ne plus être des électeurs-consommateurs.”Pourquoi dire NON est-il difficile?
Principalement parce qu’on a peur.
Peur de casser la relation.
Peur de perdre quelque chose. Peur de se soumettre.
Peur du risque de l’inconnu.Commençons par un paradoxe :
pourquoi poser une question qui s’exprime par : Comment dire NON ?
plutôt que de se poser une autre question : Pourquoi j’ai envie de dire NON ?
- Qu’est-ce que je rate en disant NON ?
- Qu’est-ce que je risque en disant OUI ?
En se demandant ce que je défends vraiment, et en recherchant à distinguer la peur de la réalité, on commence l’apprentissage du NON; mais une difficulté subsiste, comment allons-nous faire pour ne pas léser les sentiments de l’autre, comment conserver une bonne relation?
Pour dire NON vous avez le choix: il existe plusieurs types de NON.
- le NON accommodant, qui ne dit pas la vérité et qui dit OUI alors qu’on pense NON:
“Bon, pour une fois, je fais une exception et malgré ce que je vous ai dit, je veux bien faire un effort commercial. Mais c’est la dernière fois! Hein?” - le NON agressif, qui détruit la dignité de l’autre et lui fait perdre la face:
” Je vous dis NON, NON et NON, et je vous préviens que si vous insistez c’est fini entre nous.” - le NON colérique, qui nous fait entrer dans la l’escalade de la guerre des émotions.
” C’est NON! Tu me prends en plus pour une poire?” - le NON de l’esquive, qui inquiète et qui reporte l’inéluctable NON à plus tard, encore plus difficile.
“Je ne sais pas ce que je vais pouvoir faire, mais comptez sur moi pour y réfléchir.” - le NON offensif qui a pour but de tester les limites de l’autre.
” Non, je n’irai pas au lit, un point c’est tout! Et Pourquoi? Parce que!”
Pour dire NON en gérant la relation plusieurs techniques sont possibles selon le contexte:
– Affirmer son intention, en expliquant le sens de son NON.
– Verbaliser l’intention de l’autre, en aidant l’autre à sortir de sa question binaire.
– Objectiver le NON, en décrivant la situation factuellement.
– Décrire les conséquences négatives du OUI, en montrant l’inéluctabilité du NON.
– Tracer une frontière avec un langage performatif, en affirmant son NON.
– Montrer l’absence de choix, en nommant la question piège de l’autre.
– Proposer une 3ème option, pour ouvrir un autre chemin.
– Si j’étais à votre place que feriez-vous?
– Si vous faites cela, là je pourrais accepter de dire OUI…
– Demander un changement de comportement, en nommant les tactiques déloyales.
– Ancrer le NON : ça ne fonctionne pas avec moi !
– Découvrir à quoi on peut dire OUI.
– Décaler le NON en séparant les uns des autres les objets contenus dans la question posée.
…et enfin, négocier le NON comme nous le montre Abraham dans la Genèse à propos de la volonté de Dieu de détruire Sodome et Gomorrhe.
Abraham recherche le OUI potentiel derrière le NON de Dieu:- « Allez-vous balayer l’innocent et le coupable ? »
- « Si je peux trouver 50 justes, allez-vous malgré tout, détruire ces villes ? »
- « Pouvez-vous m’aider à comprendre l’inflexibilité de votre position ? »
En conclusion
Pour être plus pratique, entraînez vous à dire NON de multiples façons
- Je ne veux pas
- Je suis stupéfait
- Si je vous dis non qu’est ce qui se passe?
- Pourquoi pas?
- Qu’est-ce que j’y gagne?
- Qu’est-ce que cela va vous rapporter?
- Vous cherchez à me tester?
- Vous cherchez mes limites ?
- A vous même, je vous dirai oui, mais pour moi, c’est non.
- Je veux bien vous faire plaisir mais j’aurai du déplaisir.
- Vous voulez que je dise oui à quoi ?
- Et si on discutait des avantages pour vous et des inconvénients pour moi?
- Vous m’obligez à dire non par votre comportement.
- En disant non je vous embarrasse ?
- C’est non et je vous dis pourquoi si vous avez un peu de temps.
Un dernier mot
N’oubliez pas que lorsque vous dites, je ne peux pas, vous poussez l’autre à continuer la négociation; lorsque vous dites, je ne veux pas, vous tracez les limites de vos valeurs et vous découragez votre contradicteur.
Yves HALIFA
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