Continuer à foncer dans le mur en klaxonnant.
.Que peut-on conseiller à un gouvernement qui cherche à « gonfler l’Airbag pour amortir la crise sociale » ?
Trois avis qui ne seront peut-être pas suivis.
Premier conseil : du macro au micro, privilégier d’abord le micro avant de s’occuper du macro.
On rassure et panse les plaies avant de réformer la structure.
D’abord, ne pas croire qu’une annonce macro-économique puisse avoir un effet immédiat sur des salariés et agents de l’État qui sont en colère et qui attendent des mesures visibles immédiatement.
Deuxième conseil : ne pas réagir au coup par coup en lâchant du lest au fur et à mesure de la coagulation des mécontentements.
Troisième conseil : avant toute décision, prendre le pouls des personnes concernées par les réformes et pas seulement celui des organisations syndicales ou encore de l’ensemble des français.
Observons la CFDT cheminots en difficulté par rapport à sa base et quasiment contrainte de s’aligner sur le préavis de grève reconductible déjà annoncé par les autres fédérations de la SNCF pour le 5 décembre prochain.
Quelques exemples de mauvaise gestion de l’administration d’un pays.
Concernant le plan santé annoncé une première fois, et amélioré récemment, le décalage entre le macro et le micro est violent.
1 ,5 milliards d’euros de rallonge budgétaire avec pour conséquence une feuille de paie qui progressera de 1 600 euros par mois à 1 625 euros pour les personnels paramédicaux de province.
40 000 infirmiers et aides-soignants de Paris et petite couronne, percevront 66 euros de plus par mois…
Le tiers de la dette des hôpitaux sera reprise par l’État pour leur permettre de faire des investissements, mais aujourd’hui qu’est-ce que je fais face à la pénurie de moyens?
Certes l’effort est patent ; certes le gouvernement peut déclarer :
« Nous avons entendu leur colère. Nous avons entendu leur épuisement.
Nous avons entendu leur désarroi. »[1]« Ces annonces sont très loin de répondre aux attentes des personnels. »[2]
« On nous lance une petite bouée car nous sommes au milieu de l’océan mais le compte n’y est pas. »[3]
Sur le front de la réforme des retraites, on inquiète avec des annonces contradictoires, on déclare aux bénéficiaires des régimes spéciaux qu’ils doivent s’adapter à un monde qui change, et qui n’est plus le même qu’en 1945. Et pour calmer le jeu on annonce, à contre cœur, et comme une concession, la clause possible dite du « grand-père » … Celle qui consiste à appliquer l’éventuelle réforme à points aux nouveaux entrants et laisser coexister plusieurs statuts différents avec tous les ressentis négatifs que cela risque de provoquer.
Ailleurs, c’est presque pareil, en pire !
Les gouvernements équatorien et iranien n’ont rien de comparable, mais ils annoncent tous deux la fin de la subvention du carburant et déclenchent ainsi des émeutes populaires meurtrières.
Et tous deux ont de bonnes raisons macro-économiques de le faire, l’un pour obtenir un prêt du FMI, l’autre pour tarir la contrebande aux frontières.
Alors ? que faire ?
« Il y a un besoin de dialogue social en ce moment,
on ne peut pas se contenter de discussions à bas bruit.
Il faut un moment de dialogue social fort. »[4]
L’Airbag consisterait à provoquer un « Grenelle social » avant la crise annoncée du 5 décembre.
Faire ce que l’on fait en général pour sortir d’une crise, avant et non après.
Un Grenelle social qui consisterait à mettre autour d’une table employeurs publics et privés, organisations syndicales et pourquoi pas associations, pour réconcilier réformes nécessaires et résorptions des injustices sociales.
Mais restons raisonnablement pessimistes face à l’écho d’une telle conférence.
En effet, les acteurs n’en veulent pas !
Pourquoi ?
- Parce que le premier ministre préfère rencontrer une par une les organisations syndicales et qu’il considère que l’État s’est déjà occupé de la feuille d’impôts et que c’est aux entreprises de s’occuper, à leur tour, de la feuille de paie.
- Parce que les employeurs dirigent des entreprises très différentes les unes des autres et les efforts potentiels en termes de rémunérations ne pourront être du même niveau partout.
- Parce que pour certaines organisations syndicales, le coup est parti et il serait difficile de l’arrêter et qu’il s’agit maintenant de se compter pour montrer au gouvernement qu’elles ont une forte légitimité.
- Et par dessus tout, c’est le frein culturel qui risque d’empêcher ce genre de conférence :
On ne négocie, vraiment, en France, que sous la contrainte.
Dommage ! Le secrétaire général de la CFDT aurait été le seul acteur disponible. Il est aujourd’hui en décalage avec sa fédération cheminote.
Yves Halifa
21 novembre 2019
[1]Discours du premier ministre.
[2]Communiqué commun du collectif en grève dans les hôpitaux publics.
[4]Un conseiller du premier ministre cité dans un article du Monde daté du 21 novembre 2019, signé par Olivier Faye, Alexandre Lemarié, Cédric Pietralunga.
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