« Les diplomates ont l’habitude de se battre, et une victoire de quelqu’un, c’est une défaite de quelqu’un d’autre. Peut-être faudrait-il que les négociations sur le climat ne soient pas laissées aux diplomates1 ? ».
Au Palais des nations de Genève, du 8 au 13 février 2015, les diplomates du monde entier travaillent pour aboutir au texte de négociation de la prochaine Conférence mondiale sur le climat, qui aura lieu à Paris du 30 novembre au 11 décembre de la même année.
Pour cerner les enjeux, anticiper les conflits et comprendre la complexité des négociations, nous vous proposons de regarder la vidéo : “une histoire des négociations climatiques en 83 secondes”:
Changer le climat, une équation difficile
Le 16 novembre dernier, au sommet du G20, à Brisbane en Australie, François Hollande a déclaré qu’une perturbation importante du climat mondial « serait source de guerre ».
Le communiqué final concluait sur une volonté solide et commune de se mobiliser, pour changer le climat.
Ce sommet était le prélude à la montée en régime de grandes négociations internationales sur le climat.
Pour mémoire :
- La conférence climatique de Lima (décembre 2014) a péniblement abouti à un projet de texte sur les réductions d’émissions. Les tensions entre pays industrialisés et pays en développement ont été au cœur des discussions.
- Après les négociations actuelles à Genève, le calendrier prévoit fin mars la remise des contributions nationales pour lutter contre le réchauffement ; afin que le projet de texte aboutisse fin mai.
- Début novembre, un nouveau round de négociation se tiendra à Bonn, en Allemagne ; et les acteurs se retrouveront enfin à Paris en décembre 2015.
2015 est une année charnière qui comptera dans l’histoire de l’humanité comme celle où les êtres humains auront réussi, par delà les clivages et les divergences politiques, à prendre en main la gestion de leur planète.
Mais il s’agira d’une négociation particulièrement complexe car multilatérale.
En 2015, saura t-on construire sur les échecs du passé ?
Les échecs du passé, en particulier celui du sommet de Copenhague ont été analysés et les organisateurs en ont tiré plusieurs leçons (le déroulement de la conférence de Copenhague, au cours de laquelle la presque totalité des négociations a eu lieu en « off », dans les couloirs et arrières salles, a durablement marqué les esprits) :
- Aucun pays ne doit se sentir écarté : « le président peut dans la dernière ligne droite proposer un compromis. Mais ce fusil à un coup ne se tire que dans la dernière heure de la dernière nuit de la négociation. »
- Les divergences peuvent devenir des différences : croissance et climat ne sont pas des ennemis inconciliables.
- L’affirmation d’un pacte de volonté commune : des accords bilatéraux (Etats-Unis/Chine ; France/Pérou) ont été pris avant la négociation multilatérale.
- La concrétisation des engagements financiers : le Fonds vert, réserve financière pour les besoins des pays en développement, devrait atteindre 100 milliards de dollars en 2020.
- La construction de la confiance : « Nous partageons tous le sens de l’urgence, mais nous n’avons pas confiance les uns dans les autres », explique le ministre de l’environnement de Singapour. Du temps d’écoute, du dialogue, la participation des ONG, la formation de “groupes de travail” sont des éléments qui construiront la confiance.
- L’humilité : “L’échec de Copenhague (2009) a été celui de la prétention. Les chefs d’État ont pensé pouvoir trouver une improbable synthèse en quelques jours” a constaté François Hollande.
Malgré ces progrès dans la gestion des négociations, de nombreuses interrogations subsistent :
- L’accord prendra-t-il la forme d’un traité ?
- Un contrôle ou une sanction du non-respect seront-ils prévus ?
- Quelle forme prendront les engagements de contributions de chaque pays?
- Quelle force juridique auront-elles ?
- Quel degré de transparence devront-elles respecter ?
- Comment assurer les efforts d’équité entre les pays ?
- Devront-elles inclure les contributions financières ?
- Et surtout quelle forme prendra la logistique des négociations ?
195 pays seront présents et leurs équipes de négociation dépassent, pour les plus importantes, plus de 200 diplomates !
Casser les codes
Un dernier mot :
C’est la France qui tentera de rapprocher les points de vue pendant toute l’année 2015. Le chef de ladiplomatie française, Laurent Fabius, intègre, à chacune de ses visites étrangères, une séquence sur le climat.
L’organisation des négociations sera confiée à Laurence Tubiana2, qui sait « casser les codes. Au moment où il faut appeler un chat un chat, c’est important », remarque Nicolas Hulot, l’envoyé spécial du chef de l’État pour la protection de la planète.
Ne pas confier les négociations aux diplomates, se concentrer autour de ce qui nous rassemble, et casser les codes seraient peut-être les clés du succès de la conférence climat de Paris en 2015 ?
En 2015, à cinq ou six négociateurs, on essaie d’éviter la guerre à Minsk, en Biélorussie ; saura t-on sauver la planète à 195 à Paris ?
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