Représentativité et leadership
La Guerre du feu est terminée depuis quelques dizaines de millénaires. Mais la conquête et surtout la conservation du pouvoir est restée profondément ancrée dans les gènes des représentants de la vie démocratique.
Naoh, délégué par la horde des Oulharm en des temps préhistoriques pour aller chercher le feu dérobé par la tribu des “mangeurs d’hommes”, revient triomphant avec la précieuse flamme dans sa petite cage. Il est élu chef immédiatement, à l’unanimité des membres de sa horde avec comme somptueux cadeau la fille du vieux chef détrôné.
Pourtant, il omet, par défiance et par ruse, de dévoiler le secret des pierres à feu …
En effet, dans sa quête difficile de reconquérir le feu volé, il avait découvert ce que sa tribu ne savait pas: qu’il est possible de faire du feu en frottant deux silex l’un contre l’autre!!!
La dissimulation des informations reste encore aujourd’hui l’un des freins essentiel à l’innovation mais, croit-on, leur exclusivité permet de conserver le pouvoir.
Opacité et leadership
La légitimité des processus démocratiques est mise à mal un peu partout dans le monde, celle des partis politiques et syndicats en particulier. Parfois les chefs d’entreprise sont également mis en cause par des motions de défiance.
L’actualité politique et syndicale en donne des images saisissantes :
- En Espagne ? impossibilité de trouver un gouvernement qui ait une majorité au parlement après deux élections… donc on en organise une troisième.
- En France ? la légitimité de La république en marche reste toujours contestée, 2,5 ans après les élections présidentielles remportées par Emmanuel Macron. Parfois, même après avoir dit qu’on respecterait les règles d’investiture pour être candidat, en cas d’insuccès, on les remet en cause sans état d’âme.
- En Russie ? les citoyens sont allés voter avec réticence aux dernières élections municipales (environ 20% de votants…)
- Dans les syndicats français ? La perte de représentativité générale se double d’une absence de confiance vis-à-vis de leurs leaders.
- Les Gilets jaunes sont à la peine pour relancer leur mouvement et contestent toute personne qui s’en réclame comme porte-voix.
Ce qui est partout contesté c’est le manque de transparence et le non respect des engagements pris.
Leadership et rupture de confiance
L’exemple de la RATP est révélateur
L’excellente analyse d’Éric Béziat, journaliste du Monde est emblématique de ce qui ce passe dans les profondeurs des corps sociaux des partis, syndicats et entreprises publiques ou privées.
la semaine dernière les métros et bus parisiens ont quasiment paralysés l’activité économique toute une journée.
la rupture de confiance, résultat de la rupture des contrats moraux non écrits du passé en a été la motivation profonde, la réforme des retraites en été le catalyseur.
La RATP a été souvent citée comme un exemple de la réussite d’un dialogue social forgé à la fin des années 1990 par Jean-Paul Bailly, alors à sa tête. Il avait construit toute une série de contrats avec les syndicats et les managers de proximité qui avaient ainsi pacifié les relations sociales.
Le résultat visible? un taux de 0,5 jour de grève par an et par agent depuis dix ans
Les syndicats dits représentatifs jouaient le jeu et aujourd’hui ne pouvaient plus le jouer car leur base ne les suit plus.
Le dilemme ?
Regagner leurs militants en développant la lutte pour rester représentatifs ? ou bien continuer un dialogue social constructif au risque de se voir dépasser par de nouvelles organisations ?
En effet de nouvelles formes de structures de représentation du personnel voient le jour et s’immiscent dans les interstices du dialogue social formel.
Comme pour les “Gilets jaunes”, les problèmes non pris en compte par les directions et les syndicats institutionnalisés deviennent le terreau de coordination non structurées, anarcho-libertaires, sans connaissance ou reconnaissance des règles du jeu du passé.
Comme l’écrit parfaitement Cécile Cornudet des Échos,
Les acteurs qui comptent ont changé, et avec eux les codes. Ou plutôt l’absence de codes. Pour se faire entendre, un mouvement doit être insaisissable, radical et agile.Dans des secteurs professionnels, les « collectifs » ont le vent en poupe et refusent le dialogue. Sur la future retraite des avocats,Nicole Belloubet peut faire du Barreau un interlocuteur, sauf que c’est le collectif, SOS retraites, qui fait la pluie et le beau temps et refuse le principe même de la réforme.
L’exécutif n’affronte plus un mouvement social, mais un mouvement asocial, diffus, incontrôlable, refusant les règles qui régissaient le dialogue.
« Si une coagulation existe, c’est celle de la défiance “.
Revenons à la RATP où les syndicats dits représentatifs nous alertent:
- Thierry Babec, secrétaire général de l’UNSA-RATP :« Ce régime de retraite est un élément central de l’appartenance à l’entreprise ».« Beaucoup d’agents ont le sentiment que leur monde s’écroule. Ils ont l’impression qu’un rouleau compresseur est en marche. Cela concourt au succès de cette journée. »
- Jean-Christophe Delprat, délégué SUD-RATP : « Toucher à nos retraites c’est briser un contrat social, et même un contrat moral. Nous avons des horaires impossibles : une semaine, on commence à 4 heures du matin, la suivante, on termine à une heure. Année après année, on nous a ajouté des contraintes. On nous demande maintenant de conduire des métros toute la nuit. Eh bien, on l’accepte. On est d’accord. C’est notre mission. Mais au bout du tunnel, il y a la retraite. La supprimer, c’est vraiment une injustice. »
- La direction répond:. « Si la grève avait quelque chose à voir avec la concurrence, elle aurait éclaté avant, On en parle depuis des mois, des années même. Catherine Guillouard, la PDG, a accompli un travail considérable pour préparer le corps social à cette échéance. Elle a mis en place des réunions de formation hebdomadaires pour les syndicalistes. Elle s’est battue pour que soit inscrit dans la future loi d’orientation des mobilités un cadre social territorialisé, c’est-à-dire un territoire englobant Paris et sa banlieue proche où tout dumping social sera impossible. » Une partie des syndicalistes est d’ailleurs en phase avec cette vision. « Il n’y a pas de malaise social avec la direction », résume l’un d’eux.
C’est peut-être ici que le bât blesse.
Un dialogue social efficace est celui qui permet de faire marcher tout le monde ensemble et non l’un derrière l’autre.
Le dialogue social formel, c’est celui avec les syndicats. C’est celui avec ses mandants, ses organes de tutelle.
Mais le dialogue social informel est devenu un impératif et il est rarement pris en charge.
A la RATP, le corps social profond commence à bousculer les syndicats classiques et installés.
Apparues récemment, indicateurs d’une radicalisation du terrain, “le Rassemblement syndical”, un groupe bien implanté dans les réseaux de bus et que ses ennemis jugent « communautariste », a vu le jour en septembre 2018. Parallèlement, a été créée ” La Base “, un syndicat issu de transfuges de SUD et de la CGT, et qui dit s’inspirer du mouvement des « gilets jaunes ».
Sa caractéristique est d’être participatif, “sans chef”, et refusant tout compromis. L’un de ses responsables, Fred Rohrbasser, un conducteur de métro, le proclame : « Nous souhaitons aller vers une grève illimitée. »
En effet, tous les autres syndicats, sauf pour l’instant la CGT, l’ont déclarée à partir du 5 décembre.
« […] Pour obtenir des résultats, il faut vraiment partir dans un conflit plus dur, poser le sac une fois pour toutes », car « on voit bien que les grèves saute-mouton de 24 heures, ça ne marche pas », a déclaré à l’AFP Thierry Babec, secrétaire général de l’Unsa-RATP, premier syndicat de la régie.
« Négociation », a prononcé Emmanuel Macron sur France 2 fin août en lançant la saison sur les retraites. Mais avec qui?
Le président israélien Reuven Rivlin débute dimanche les consultations pour décider qui de Benjamin Netanyahu ou de Benny Gantz aura la tâche de former un gouvernement de coalition et sortir Israël de l’impasse, après des élections législatives sans vainqueur clair.
Le président Rivlin, dont la fonction est quasi symbolique, jouera donc un rôle politique clé au cours des prochains jours en désignant celui qui sera chargé de former le gouvernement.
En Israël, la constitution du gouvernement n’incombe pas de facto au chef du parti ayant récolté le plus de sièges mais fait l’objet de consultations entre le président et les partis, qui recommandent des candidats.
Les partis défileront les uns après les autres dans les bureaux de M. Rivlin, dans un ordre suivant leur performance électorale.
Le journal, Times of Israël, vient d’annoncer que la guerre du feu n’aura pas lieu!
Le président de la république, Reuven Rivlin, veut faire ça différemment.
Il a décidé que les entretiens de négociation bilatéraux qu’il aura avec chacun des partis seront enregistrés et retransmis à la population.
«le président a annoncé que ses réunions avec les différentes factions seraient retransmises en direct, sur toutes les plateformes, au nom de la transparence».
les citoyens israéliens pourront-ils toujours respecter le processus après avoir eu un aperçu de la boucherie à travers la vitrine ?
Lors d’une leçon d’instruction civique donnée le mois dernier à des élèves de terminale dans une petite ville israélienne, Rivlin a déclaré que son rôle était celui d’un émissaire du peuple:
« Dans l’État d’Israël, et dans tout État démocratique, il n’y a qu’un seul souverain, et ce n’est pas le gouvernement, mais plutôt le peuple. Il y a beaucoup de points de vue et de types de personnes différents. En règle générale, le président doit tenir compte de ce que le peuple a voulu lors de l’élection, comme exprimé dans les résultats du vote »,
« Le président veut que le public voie le processus afin qu’il puisse remplir son devoir de la manière la plus transparente possible », a déclaré Jonathan Cummings, un porte-parole du président, au Times of Israel dimanche dernier.
Est-ce que ceux qui détiennent les pierres à feu
veulent bien le faire devant nous s’il vous plaît?
Yves Halifa
23 septembre 2019
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