La concertation a déraillé.
La négociation va-t-elle s’ouvrir ?
Dans un article précédent, la question posée était : est-ce que Macron est un bon négociateur ?
Aujourd’hui, la question est différente : Emmanuel Macron, veut-il négocier ?
La dernière réunion de concertation-négociation (dixit France Inter) qui a duré six heures et dont tous les éléments de discussions ne sont pas encore connus, a été de l’avis de ses acteurs, difficile, tendue, parfois brutale.
Elle a tout cas mis à jour un problème de fond et un problème de méthode.
Le problème de fond
Ce serait, aux dires du gouvernement, la contrainte de l’ouverture du marché du transport ferroviaire à la concurrence, le mauvais état du fonctionnement de l’entreprise et l’énormité du montant de la dette de la SNCF qui auraient déclenché la nécessité de sa réforme.
Le Premier ministre, Edouard Philippe, a déclaré au Parisien Dimanche, qu’il avait toujours dit qu’il n’y aurait pas de négociation si ce n’est sur les modalités de mise en oeuvre de la réforme de la SNCF.
Les organisations syndicales opposées à la réforme répondent qu’elles ne sont pas responsables de la dette de l’entreprise et que cela fait des années qu’elles alertent la direction de la SNCF et les pouvoirs publics de l’état de dégradation du réseau et des choix contestables des investissements effectués.
Derrière ces propos, de part et d’autre, l’opposition droite-gauche est réactivée.
En effet, la construction de l’Europe s’est faite sur des choix de politique libérale d’ouvrir progressivement tous les secteurs d’activité à la concurrence pour avoir un grand marché dans lequel les acteurs seraient supposés plus efficaces.
L’heure est venue pour le secteur ferroviaire et, comme pour l’inversion des normes sur le marché du travail, l’inversion des durées de rentabilité a été proclamée :
l’entreprise SNCF doit être, comme toutes les entreprises, soumises à des durées de retour sur investissement indépendamment de son rôle de service public, et ses salariés doivent être recrutés sur une base contractuelle et non plus sur une base statutaire.
D’un côté il s’agit de respecter les engagements fondamentaux de la construction européenne, de l’autre de conserver l’identité spécifique du réseau ferroviaire français unificateur des territoires de la République.
Le débat porte-t-il sur ces sujets ?
Non, il porte sur des éléments constitutifs de ces sujets et crispe ainsi les positions avec accusations réciproques de positionnements idéologiques :
- Espèce de sale néo-libéral !
- Espèce de trotskiste masqué !
Alors qu’un débat sur la SNCF aurait pu d’abord être porté devant le parlement sur la base de ce que Nicolas Hulot a déclaré dimanche dernier au Journal du Dimanche :
L’objectif de cette réforme c’est de faire mieux avec l’argent que nous consacrons au train.
Nous allons investir massivement en consacrant 36 milliards d’euros sur dix ans.
Le train fait partie de notre patrimoine, et il faut l’entretenir si nous voulons rester un grand pays ferroviaire… On ne peut pas préparer l’avenir, réussir la transition écologique et répondre aux défis de la mobilité du quotidien avec 46 milliards de dette.Dans une entreprise qui perd de l’argent, l’avenir des salariés ne peut pas être garanti. Certains métiers sont difficiles et ils méritent notre protection.
Il faut retrouver le chemin du dialogue.
On pourrait ajouter, ouvrons d’abord le débat sur les responsabilités de l’État et posons la question aux citoyens : que voulez-vous faire avec la SNCF qui vous appartient ?
Et c’est à cet instant du raisonnement que se pose la question de la méthode.
Le problème de méthode
Le gouvernement a choisi d’ouvrir une concertation d’abord sur le statut des salariés de la SNCF et de reporter à plus tard la résolution de la dette.
Écoutons le Premier ministre dans le Parisien Dimanche :
J’ai dit qu’il y avait des sujets qui n’étaient pas négociables :
L’ouverture à la concurrence, la réorganisation de l’entreprise et la fin du recrutement au statut. Nous n’y reviendrons pas, ce qui ne veut pas dire que je ne suis pas ouvert aux discussions pour parler des modalités.
La qualité du service se dégrade, l’entreprise perd beaucoup d’argent, et elle va être soumise à la concurrence.
Les journalistes du Parisien:
La dette a été creusée par l’État et vous demandez aux cheminots de faire des efforts, c’est normal ?
Le Premier ministre:
C’est l’intérêt général. Il faut d’abord corriger le fonctionnement de l’entreprise puis viendra la question de la dette.
Les journalistes du Parisien:
Quand ?
Le Premier ministre:
Avant la fin du quinquennat.
Et c’est ainsi, qu’en reportant à plus tard le problème de la dette et malgré sa bonne volonté affichée de ne pas utiliser la méthode des rapports de force, que le Premier ministre provoque un ressenti négatif, avec accusation de chantage par les organisations syndicales, et un blocage qui se durcit.
Nous irons jusqu’au bout même si on doit perdre, déclarent des grévistes.
Je reçois des messages de Français qui soutiennent le gouvernement, en disant qu’il faut aller jusqu’au bout, déclare le Premier ministre.
Comment en sortir, demande le Parisien Dimanche :
J’entends la détermination de certaines organisations syndicales, mais qu’elles entendent la mienne aussi.
Je n’ai jamais utilisé la théorie du rapport de force.
Nous en sommes là.
Le débat aura-t-il lieu ? avec qui ? est-ce que ce sera une négociation ?
Pour l’heure, ce sont les opinions publiques qui sont prises à témoin ; c’est la guerre des communiqués, des déclarations télévisées, c’est la bataille de la communication.
Qui va gagner ?
Quand on mobilise l’opinion on prend des risques politiques graves… sont-ils assumés ?
En tout cas la véritable négociation s’éloigne.
Une médiation parlementaire pourrait-elle se révéler, dans les prochaines semaines, une porte de sortie ?
Ou bien assistera-t-on à la loi du plus fort avec des gagnants et des perdants ?
Yves HALIFA
8 avril 2018
Bien vu ! Je crois comme toi que l’on est parti sur une issue gagnant-perdant qui de fait deviendra perdant-perdant. Mais ni toi ni moi ne sommes de bonnes Madame Irma (et cela n’aurait aucun intérêt). Tout au plus pouvons-nous tracer des droites futures issues des tendances passées. Et là…