L’homme et la femme font l’amour; atteignent l’orgasme; se séparent. Elle lui murmure alors: “Je te dis à qui je pensais si tu me dis à qui tu pensais.”
Gore Vidal, chroniqueur politique, romancier, auteur de pièces de théâtre très actif dans les années Kennedy aux États-Unis d’Amérique, introduit de cette manière un livre d’essais critiques sur la littérature et les moeurs politiques de cette époque.
Il avait conscience que la vanité est peut-être la plus forte des émotions humaines, surtout chez ceux qui sont près des sommets du pouvoir.
Il nous raconte comment Nikita Krouchtchev, tout puissant leader de l’Union soviétique, succédant à Staline, imposa par la ruse des accords déséquilibrés avec JFK, leader charismatique de l’Occident, dans les négociations stratégiques de la Guerre froide.
Un tout récent et fascinant documentaire belge, visible sur les écrans de cinéma, Soundtrack to a coup d’état, montre les archives des assemblées générales de l’ONU en ces années de tension avec Nikita Krouchtchev utilisant tous les ressorts de la physionomie humaine, tantôt menaçant, tantôt hurlant, tantôt debout, assis, rigolard et manoeuvrant en coulisses habilement pour vaincre les grossiers achats de vote des délégués des pays faibles par les américains. Et à la fin, c’est lui qui gagne. Et l’Afrique qui perd.
Et pourtant aujourd’hui l’image du président américain assassiné à Dallas resplendit encore dans l’imaginaire des héros américains et des grands président.
“Remettre l’Amérique en marche” était son slogan de campagne. Il n’y réussit pas, englué dans la Guerre du Vietnam et bridé par ses “ennemis de l’intérieur“, sans parler de l’invasion manquée, catastrophique, de la Baie des Cochons à Cuba.
” Make America great again!” L’histoire nous resservirait-elle les mêmes plats?
L’Argent, la Famille, l’Image sont les trois thèmes qui dominent la conquête du pouvoir et son maintien.
Trump et Poutine; Macron et Poutine; Macron et Trump; et tant d’autres nous donnent à réfléchir en les observant sur la scène diplomatique des négociations internationales.
L’Argent? Ils en ont ou représentent ceux qui en ont.
La Famille? Fils, Filles, Gendres, Amis, la confusion entre intérêts privés et publics n’a jamais été aussi visible.
L’Image? Il faut montrer les muscles, savoir menacer, relever le menton et répondre en permanence au souhait d’autorité (paraît-il) de leurs électeurs.
Mais la Vanité, le besoin d’être regardé par l’autre, cette émotion si humaine, si tribale, vient parasiter la rationalité.
Certes, une bonne négociation doit être bien préparée, certes les enjeux dont on est porteur sont bien présents à l’esprit du négociateur, mais il suffit parfois, d’un regard absent ou vindicatif, d’un mépris plus ou moins ouvert, d’une poignée de mains filandreuse, d’un mot (volontairement ou involontairement mal traduit) malheureux, d’un micro ouvert maladroitement, pour oublier ses rares intérêts et en faire une affaire personnelle.
Alors les trois vieux réflexes remontent à la surface du cortex cérébral et la négociation devient pourrie.
Rompre, Céder, Riposter deviennent des comportements toxiques face à la Ruse.
Peu avant sa mort, JFK avait confié à un ami à propos de l’engagement des troupes américaines au Vietnam, “Cette fois-ci il faut que j’aille jusqu’au bout“.
Récemment, Donald Trump accélérait le tempo des pressions sur Israël et le Hamas: “Après avoir réglé sept guerres, je mérite le Prix Nobel...”
Un seul exemple de parasite émotionnel: Trump revendique parmi ses succès la fin du conflit indo-pakistanais; Narenda Modi déclare qu’il a réglé le problème seul avec son adversaire. Trump riposte avec une augmentation des droits de douane à l’entrée des États-Unis.
Le 10 octobre celui récompensant le meilleur faiseur de paix du monde pour 2025 sera décerné à Oslo. des noms circulent, des ambitions s’exaspèrent,
La vanité aura-t-elle la vertu d’ouvrir de véritables négociations constructives et durables en Ukraine? au Moyen-orient? Au Soudan?…
On peut malheureusement en douter.
La peur du regard de l’autre n’est pas le meilleur moyen de réussir ses négociations.
“Je te dis à qui je pensais si tu me dis à qui tu pensais?” Non!
Plutôt, ” J’ai pris un plaisir intense à partager ce fabuleux moment avec toi.”
yves Halifa
4 octobre 2025
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