Qu’il est difficile d’être chef par les temps qui courent…
Une photo de crustacé et la crédibilité est atteinte; l’exemplarité du chef est écornée et il ne peut plus défendre ses dossiers, le symbole du homard efface la raison et libère les passions.
Dans Coriolan, une des pièces les plus politiques de Shakespeare, dès l’acte I, scène I, les choses sont dites comme elles sont pensées.
premier citoyen:
Et d’abord vous savez que Caïus Marcius est le principal ennemi du peuple?
tous:
Nous le savons, nous le savons!
premier citoyen:
Tuons-le, et nous aurons le blé au prix que nous voudrons.
Dans l’acte II, scène II, l’actualité de la désignation d’Emmanuel Griveaux en tant que candidat LREM à la Mairie de Paris saute aux yeux.
En effet la tragédie d’aujourd’hui si comique soit-elle ne grandit pas ceux qui dirigent ou qui veulent diriger.
« Il y a un abruti chaque jour qui dit qu’il veut être maire de Paris. »
« C’est pas la cantonale de Vesoul ! Vous croyez quoi, qu’on tricote ? »
« Cédric, il n’a pas les épaules pour encaisser une campagne de cette nature. Il ne verra pas venir les balles, il va se faire désosser ! »
premier officier:
Combien y a t-il de candidats pour le Consulat?
deuxième officier:
Trois dit-on; mais chacun pense que Coriolan l’emportera.
premier officier:
C’est un brave compagnon, mais il est diantrement fier, et il n’aime pas le commun peuple.
deuxième officier:
Ma foi! il y a nombre de grands personnages qui ont flatté le peuple et ne l’ont jamais aimé; et il en est d’autres que le peuple aime sans savoir pourquoi…
Diriger, vouloir diriger, implique des difficultés qui ont de tout temps été identifiées par les écrivains et dramaturges.
L’orgueil, la certitude d’être le meilleur, le mépris des autres…
Et ceux qui assistent à l’émergence du chef, cachent souvent leur dépit sous des vêtements moraux.
Au sein du parti “Les Républicains”, dans le panier de crabes, les homards s’agitent.
“Je vote pour le plus con“, aurait dit Clémenceau à propos de l’élection du président de la république sous la IIIème…
“Je me porte candidat au poste de Président des Républicains, en étant le plus dénominateur commun” a déclaré Christian Jacob.
Quand les homards se déchainaient, le poignard parlait, au temps de Rome et au temps de Shakespeare; jusqu’à Mussolini qui revendiquait dans ses discours, “le poignard, voilà notre meilleur ami!”
Dans Jules César, autre pièce de Shakespeare , observons la jalousie à l’oeuvre: Acte I, scène II:
Brutus:
Que signifie cette acclamation? Je crains que le peuple ne choisisse César pour son roi.
Cassius:
Les hommes, à certains moments, sont maîtres de leurs destinées. Si nous ne sommes que des subalternes, cher Brutus, la faute en est à nous et non à nos étoiles.
Acte I, scène III:
Cassius:
Et pourquoi donc César serait-il un tyran? Pauvre homme! je sais bien qu’il ne serait pas loup, s’il ne voyait que les Romains sont des brebis.
Il ne serait pas lion, si les Romains n’étaient pas des biches.
C’est à l’Acte III, scène 1, que Brutus, convaincu de défendre l’intérêt général de la République romaine, participe au meurtre de César:
Brutus:
L’ambition a payé sa dette.
Et en conclusion, s’en trouveront toujours qui tireront les marrons du feu, à la scène III du même acte:
Antoine:
Maintenant, laissons faire. Mal, te voilà déchaîné, suis le cours qu’il te plaira.
Comment négocier avec des dirigeants qui se lâchent avec imprudence en toute confidentialité sans se dire, la prochaine fois ce sera de moi qu’il parlera ainsi…
Est-que le réalisme que l’on demande au chef, implique le cynisme ?
Et pourtant…Ils réussissent parfois.
La citation attribuée à Abraham Lincoln, “On peut tromper une partie du peuple tout le temps et tout le peuple une partie du temps mais on ne peut pas tromper tout le peuple tout le temps”, est malheureusement vouée à être relativisée.
Heureusement les moeurs politiques actuelles sont, dit-on apaisées.
Mais les temps restent durs pour les chefs face aux manoeuvres déloyales toujours à l’oeuvre et à la parole qui circule à lia vitesse de la lumière sur les réseaux dits “sociaux”.
De temps à autres surgissent des dirigeants dont l’histoire célèbre la vertu en sélectionnant certaines de leurs déclarations dont on fait, à coups de citations, des héros d’exemplarité; on oublie au passage que les grands chefs ne sont que des êtres humains avec leurs faiblesses et leurs petites lâchetés.
Cicéron (108 à 43 avant notre ère) par exemple… (https://mythologica.fr/rome/bio/ciceron.htm).
Il déclare que celui qui à l’habitude du mensonge a aussi l’habitude du parjure.
On le proclama Père de la Patrie; mais son excessive vanité, ses railleries à l’adresse de ses adversaires et même de ses amis commencèrent à le discréditer. Il finira sa vie sous les coups meurtriers de la vengeance de ses adversaires politiques.
Pourquoi donc les temps sont-ils durs pour les chefs?
- peut-être parce qu’ils n’acceptent pas de reconnaître leurs faiblesses, leurs erreurs, au bon moment.
- peut-être parce que, pris au dépourvu devant l’évidence de leurs faiblesses ils accusent ceux qui les dénoncent.
Crier, que l’on est respectueux de la loi, et que tout a été fait dans le cadre des règles, ne répond pas au désir d’exemplarité que les sujets, les subordonnés, les exécutants, les administrés, les salariés, les citoyens attendent de leurs chefs.
Il ne s’agit pas de transparence, mais de décence.
Yves Halifa
le 25 juillet 2019
Bonnes et belles vacances
(image de Catherine Willis)
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