Les tactiques déloyales.
J’espère que tu n’as pas choisi ce moment pour me demander de t’aider?
demande l’amant à la journaliste Zoé Barnes dans la série House of cards…
Il est pourtant judicieux de choisir le bon moment pour se positionner favorablement dans une négociation.
mais…personne n’aime se sentir instrumentaliser.
les tactiques de manipulation sont très souvent utilisées pour négocier; c’est-à dire, pour obtenir ce que l’on veut de l’autre contre son plein gré.
Elles fonctionnent mais rarement dans la durée. Et quand elles sont découvertes, elles provoquent un impact durable sur la qualité de la relation.
C’est alors que l’on parle de comportements irrationnels alors qu’ils sont le résultat d’objectifs rationnels obtenus par la force ou la ruse.
Actualité de la manipulation
Le président actuel des États-Unis d’Amérique a écrit, selon ses dires, un ouvrage définitif sur l’art de la négociation, The art of the deal. ( traduit en français sous le titre Trump par Trump, publié en 1987 par l’homme d’affaires et futur président des États-Unis Donald Trump, et co-signé avec le journaliste Tony Schwarz).
Si l’art de la négociation consiste en le déploiement des 200 à 300 tactiques déloyales, il est est effectivement le maître en la matière.
- Accepter de signer un communiqué commun au G7, puis saisir une phrase désagréable du Premier ministre canadien, Justin Trudeau pour le rendre responsable de la caducité de l’accord en le reniant.
Cela s’appelle chercher un prétexte en poussant son adversaire à la faute.
- Les promesses n’engagent que ceux y croient?
Pour obtenir l’assentiment de l’État en cas d’acquisitions, de nombreuses sociétés s’engagent à réaliser des investissements, à maintenir l’emploi ou à recruter. Nokia, Arcelor, Whirpool, SFR vont ou ont, tenu leurs engagements.
Mais, GE avait promis de créer 1000 emplois pour acheter Alstom à la barbe de Siemens. Le groupe GE a annoncé qu’il ne tiendra pas son engagement..
Cela s’appelle une remise en cause, et s’assimile soit à un mensonge originel soit à un fait accompli.
- En Colombie, en ce dimanche 17 juin 2018 la lutte a été dure entre le candidat de droite à la présidentielle qui veut revoir l’accord de paix avec les FARC, signé par son prédécesseur, qui a gagné les élections face au candidat de gauche.
Ce dernier a été accusé de vouloir exproprier et de fermer des églises. Des abeilles tueuses ont assailli un meeting du candidat de droite, les réseaux sociaux ont dénoncé une attaque bio-terroriste volontaire organisé par la gauche…avant de démentir l’information. Aussitôt, une nouvelle fausse information a circulé qui accusait le candidat de gauche d’avoir refusé de reconnaître la paternité d’une de ses filles…qui était en réalité une célèbre actrice porno. (Le Monde).
Cela s’appelle des mensonges délibérés.
Le festival des tactiques déloyales
La série diffusée sur Netflix, House of cards, déroule, tout au long des treize épisodes de la saison 1, un nombre impressionnant de tactiques déloyales utilisées pour faire avancer les intérêts des personnages de pouvoir.
Observons la stratégie d’un parlementaire qui veut discréditer son ancien allié syndicaliste, qui a lancé une grève massive et longue…
- Dans une première étape, le parlementaire invite le syndicaliste au siège du Congrès, sans témoins, en l’ayant prévenu qu’il allait lui proposer un compromis de sortie de conflit.
- Dans une seconde étape, il le déstabilise en lui annonçant qu’il est hors de question de trouver un compromis.
- Dans une troisième étape, il le provoque en l’insultant et en cherchant à l’impressionner physiquement.
- Le résultat est conforme au but recherché par le tacticien cynique, et le syndicaliste lui casse la figure. Les médias s’emparent aussitôt de l’information réelle qui devient : un syndicaliste important, représentant les enseignants en grève, a agressé physiquement un honorable parlementaire, chef de la majorité au Congrès des États-unis.
Cela s’appelle un traquenard, un piège tactique et émotionnel.
Un peu de théorie
On pourrait poursuivre et démasquer les trois grandes catégories de tactiques déloyales qui émaillent les négociations potentiellement conflictuelles dans l’actualité politique, économique et sociale… il est important de les connaître pour pouvoir les gérer, les déminer.
Mauvaise foi, remise en cause, non respect des engagements, pression sur le temps, dilution du temps, mensonges de compétence, mensonges par omission, mensonges délibérés, saucissonage des problèmes , modification unilatérale des agendas de négociation, préalables, ultimatums, attaques sur la personne, sur la compétence, sur l’âge, sur le passé de la personne, sur sa famille, sur ses addictions réelles et supposées, sur ses préférences sexuelles,
la liste est longue.
On pourra les classer, pour mieux les gérer, en:
- pièges tactiques,
- pièges émotionnels
- modifications de la réalité.
Techniquement on parlera de Trucages, d’Attaques et d’Obstructions.
Peut-on y faire face?
Oui.
Peut-on y faire face sans devenir soi-même déloyal?
Oui.
Comment?
- En ne réagissant que par la sincérité en dévoilant et nommant les tactiques et en sommant son interlocuteur de les assumer.
- En lui sauvant la face en acceptant de lui donner de bonnes excuses d’y avoir été acculé.
- En montrant l’incohérence de la tactique par rapport au but réel de la négociation qui a été affiché.
Ne pas réagir, se mettre au balcon
Ne pas se justifier, passer dans son camp
Ne pas attaquer, recadrer le problème et les tactiques
Lui construire une passerelle en lui déroulant le tapis rouge
Lui rendre le NON difficile en lui montrant les conséquences de ses actes.
Et surtout, ne pas rompre la relation directe et indirecte, en dialoguant sous formes de questions:
Le patron d’une négociation n’est pas celui qui triche, mais celui qui a des valeurs et qui, en posant de bonnes questions, conduit son interlocuteur à déposer les armes.
Retour sur l’actualité
Dans la série House of cards, un dirigeant de grande entreprise annonce abruptement au parlementaire qui cherche à le corrompre:
Je suis déjà passé devant des jurys d’accusation; la vérité facilite grandement les choses!
Ne m’obligez pas à mentir.
Demandons à Rupert Stadler, le PDG du constructeur Audi, filiale de Volkswagen, qui a été arrêté et placé en détention en Allemagne ce lundi 18 juin matin, ce qu’il en pense…
https://www.sudouest.fr/2018/06/18/pdg-d-audi-en-prison-cinq-choses-a-savoir-sur-le-dieselgate-5156294-4736.php
Yves HALIFA
18 juin 2018
Cet article a été réalisé avec l’aide indirecte des journalistes du monde, des Échos et de Sud-Ouest.
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