Ce lundi 18 avril est peut-être le début du déclin de La Nuit Debout.
Le baril de poudre du rapport au travail a explosé sans que le mal vivre de deux générations de jeunes chômeurs n’ait été pris en compte.
On a négocié entre soi du temps de travail, des emplois aidés, des cotisations et des indemnités pendant que de la soumission on passait à la colère et à l’indignation.
Mais quoi négocier et avec qui ?
L’intolérance s’est installée place de la République à Paris, avec l’éviction haineuse d’un philosophe, Alain Finkielkraut, avec l’apparition du culte de la personnalité envers un économiste, Yannis Varoufaklis, et avec le printemps des germes dangereux de tout mouvement révolutionnaire[1] :
« On y pense en suivant Juan Martin Guevara sur cette place parisienne où une foule hétéroclite tente de faire revivre l’idée d’une révolution. Quelque part entre la reconstitution historique et le soulèvement social, on trouve dans cette Nuit tout l’éventail de la tradition révolutionnaire, des utopistes bavards, des sécessionnistes intransigeants, des touristes radicaux-chics, des organisateurs dévoués, des petits bureaucrates qui jouent à monter des commissions, des groupuscules énervés qui ne sont là que pour la confrontation avec la police. »
Ce mouvement déclenché, dit-on, par les réactions d’un public emballé par les premières projections de l’excellent film, « Merci Patron ! » de François Ruffin, a jailli à partir d’un projet de loi sur le Travail.
Le travail et sa nature
Ce matin dans les Échos[2], Henri Vacquin analyse très finement le rapport au travail du triangle du pouvoir (gouvernements, patronat et syndicats) depuis deux générations.
On a, dit-il, combattu le chômage sans prendre en considération les évolutions de la nature même du travail.
Nous avons deux génération durant fait vœu de mort sociétale aux jeunes en les privant de travail, mettant ainsi gravement en cause le vivre-ensemble et la démocratie.
Nous sommes passés, dans les société occidentales, du travail prescrit (Taylor à l’Ouest et Stakhanov à l’Est) qui faisait de nous des exécutants, au désir de travail choisi.
Le code du travail, objet de combat, entre ceux qui veulent le défendre et ceux qui veulent le détruire, masque l’indigence de l’autre combat, celui contre le chômage.
« Les carences patronales et syndicales en matière de négociation ont laissé des vides partout… »
Les acquis mortifères
Les salariés, managers inclus, reprochent aux partenaires sociaux leurs postures convenues, leurs rôles appris par cœur, les éléments de langages traditionnels et leurs rôles éculés de comédiens qui ne prennent en compte qu’une réalité désincarnée.
Ce que l’on constate d’un côté, c’est la volonté farouche de conserver les acquis d’une époque durant laquelle le contenu du travail était profondément différent d’aujourd’hui et de l’autre, celle de vouloir remettre en cause ces acquis sans en tirer les bonnes conclusions sur la nécessaire remise en cause des hiérarchies et du management tout court.
Henri Vacquin en constate les dégâts et conclut que, considérer qu’un acquis l’est pour l’éternité et que négocier son actualisation est une trahison relève d’un déni des réalités.
On négocie quoi? Le temps de travail ? La courbe du chômage ?
En poursuivant ce raisonnement on pourrait imaginer que les partenaires sociaux pourraient conquérir plus de légitimité vis à vis des salariés, en particulier des jeunes, en mettant sur la table d’autres objets de négociation plus conformes à la nature du travail d’aujourd’hui.
- Le travail a changé.
- La liberté individuelle devient le moteur principal de l’engagement au travail.
- Les libertés collectives doivent être sauvegardées.
- L’insécurité n’est pas un moteur positif.
- Le coût du changement de la nature du travail c’est la précarité.
La précarité devrait être un objet de négociation essentiel.
Le revenu universel de base est peut-être l’une des solutions.
Mais déjà la logique mortifère est à l’œuvre : d’un côté ce revenu est pensé comme un investissement, de l’autre comme de l’assistanat. Idéologie quand tu nous tiens !
Yves Halifa
18 avril 2016
[1] http://bibliobs.nouvelobs.com/documents/20160415.OBS8652/a-la-nuit-debout-avec-le-frere-de-che-guevara-les-manifs-ou-on-s-amuse-c-est-pas-mon-truc.html
[2] lundi 18 avril 2016, Le dévoilement du travail, une heureuse apocalypse, point de vue d’Henri Vacquin, sociologue.
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