Préparons la rentrée sociale !
Oui, l’affaire Benalla, la victoire de l’équipe de France de football, et le bel été beau, chaud et néanmoins orageux ne nous ferons pas oublier la rentrée sociale.
Les conflits sociaux ne se sont pas miraculeusement évaporés dans la chaleur estivale et certains en profitent pour réfléchir.
Réfléchissons donc avec eux.
Le dialogue social vu par les experts
Guy Groux (sociologue ; CEVIPOF)
L’exécutif consulte mais ne négocie pas.
La méthode Rocard (1988) utilisée pour la réforme de La Poste, et celle utilisée pour la SNCF ont été très différentes de celle que le gouvernement d’Édouard Philippe a utilisée en 2017 et 2018.
De l’automne 1988 à l’été 1989, il y a eu une consultation des personnels, syndicats et usagers ;
- 8 000 réunions mobilisant 200 000 personnes.
- 7 numéros du « Journal du débat public » ont été diffusés, chacun à 500 000 exemplaires.
- 80 000 agents se sont exprimés en direct par vidéotransmission.
- 7 colloques ont eu lieu à Paris et en régions.
- 10 millions de questionnaires ont été distribués et ont donné lieu à 300 000 réponses.
A l’automne 1989: Négociation avec les syndicats sur les classifications.
En mars 1990: Présentation en conseil des ministres d’un projet de loi
En juin 1990: Adoption par le Parlement
On identifie bien les séquences vertueuses d’un véritable dialogue social, consultation, débats, négociation, décision. et on a donné du temps au temps.
Sophie Béroud (enseignante-chercheuse, publication : sociologie politique du syndicalisme).
Cette chercheuse pense que le gouvernement actuel cherche à affaiblir et isoler les syndicats contestataires (CGT, SUD, FO…).
Les syndicats sont confrontés à de nouveaux enjeux :
- S’implanter en dehors des grandes entreprises dans les nouveaux secteurs précarisés.
- Dépasser les cloisonnements liés aux champs professionnels et produire des transversalités.
- Nature des revendications qui doivent changer…
On peut en conclure qu’un dialogue social de qualité ne peut se développer qu’avec des interlocuteurs forts et représentatifs ; les syndicats doivent-ils balayer devant leur porte pour que le gouvernement les prenne en considération ?
Jean-Marie Pernot (chercheur à l’IRES)
Justement, considère qu’être puissant c’est se rendre incontournable, soit par la lutte, soit par la coopération.
La branche n’est plus le lieu déterminant des solidarités. C’est la chaîne de valeur et les territoires qui les déterminent.
Reconstituer le collectif dans les organisations syndicales est la même problématique dans toute l’Europe.
Fabrice Romans (DARES)
Observe que chaque année dans le secteur privé, 50 000 accords sont signés.
En 2016, la CGT a signé 84% des accords conclus dans les entreprises où elle est représentée par un DS.
La CFDT, 94%.
En 2017, on assiste à une baisse significative de la conflictualité.
11% d’adhésion à un syndicat en 2013, soit 2,5 millions de personnes.
MAIS,
De 2014 à 2016 dans les établissements de plus de 10 salariés, 6 salariés sur 10 ont voté.
600 000 RP, dont 40% de femmes.
Au niveau des branches, les syndicats négocient des conventions collectives qui couvrent 90 % des salariés.
Les sujets débattus sont :
- Salaires
- Egalité HF
- Horaires, plannings…
- Tensions individuelles ou collectives
- Conditions de travail
- Sécurité…
MAIS,
– Pas assez de candidats.
– individualisme
– désintérêt des salariés
– difficulté à concilier travail et représentation
– peur des représailles
– manque d’informations
Aujourd’hui:
En écho à ces réflexions, une réunion multipartite, gouvernement, syndicats d’employeurs et syndicats de salariés a eu lieu au cœur de l’été à la grande satisfaction de tous ; non, a répondu le premier ministre, nous ne souhaitons pas court-circuiter les corps intermédiaires en 2018/2019… En 2017, il s’agissait d’aller vite ; prenons le temps de la discussion.
Mais le problème subsiste : les tensions entre une volonté de décider seul et de partager les décisions par de vraies négociations sont et resteront encore à l’œuvre.
Laissons la parole, pour conclure, à Laurent Berger de la CFDT :
On lui a réclamé (au premier ministre) une lettre de cadrage qui ne fasse pas la négociation avant la négociation…
Faut-il être pessimiste ?
François Hommel de la CFE-CGC répond :
Le naturel reprend vite le dessus et il faut maintenant attendre la rentrée.
Attendons et bonnes vacances.
Yves Halifa
22 juillet 2018
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