crédit photo: Au parlement à Ankara, le 11 janvier 2017 | Adem ALTAN / AFP
Ce pourrait ne pas en être un si les valeurs de la négociation prévalaient
l’ensemble des commentateurs français désigne le résultat des élections législatives du 19 juin 2002 comme une catastrophe! Impossibilité de gouverner, pas de majorité, paralysie des réformes, il va falloir dissoudre dans un an…
En revanche la presse allemande se félicite de “la claque” Macron et voit une sanction contre le style politique trop individualiste du président. Elle considère même que cette situation est une chance d’instaurer une nouvelle culture du compromis en France.
Ne plus revoir cela?
“Arrête ta stratégie à la Macron d’insulter tout le monde!”, aurait d’abord lancé le député Insoumis. Ce à quoi son opposant de la majorité aurait répondu “Toi, tais-toi, t’as pris la grosse tête!”. Et Alexis Corbière de relancer de plus belle : “Et toi, t’as un gros ventre !”
Le ton serait alors encore monté d’un cran et les deux députés se seraient rapprochés l’un de l’autre, jusqu’à faire front contre front. “Il avait les yeux injectés de sang”, témoigne Cormier-Bouligeon au HuffPost. “Je n’en serais jamais venu aux mains”, réplique Corbière. Ce sont finalement des huissiers et d’autres élus qui ont dû les séparer, avant que tout ce beau monde ne quitte l’hémicycle.
Trois obstacles subsistent pour parvenir à une nouvelle culture du compromis.
- la majorité est investie de la légitimité de l’exercice du pouvoir et la ( ou les) minorité a perdu, donc elle doit se soumettre.
- la majorité est calculée au sein de ceux qui expriment leurs votes, et ceux qui se sont abstenus ont tous les torts; ils n’avaient qu’à s’exprimer, et comme le dit l’adage populaire, qui ne dit mot consent!
- un compromis est confondu avec compromission et arrangements plus ou moins clandestins entre comparses.
Ces trois obstacles sont bien réels.
La constitution de 1958 a été conçue pour éviter “le régime des partis” et pour renforcer un exécutif capable de durer et de construire sans être balloté par des intérêts changeants au gré des événements.
Ainsi des majorités ont-elles pu alterner sans trop de soubresauts.
Mais le monde a changé, les inégalités sociales et territoriales se sont creusées, les luttes démocratiques et leurs représentants se sont engourdies en donnant l’impression de ne plus être en résonance avec le vécu du quotidien, et la confiance dans les rouages sophistiqués de la démocratie représentative s’est dissoute dans un bain d’aigreur, de revanche et d’envie…
Le député Insoumis sortant de la Somme réélu, François Ruffin, confirmait le bazar (à défaut de bordel…) sur LCI, pointant que «le pays est bloqué» : «Emmanuel Macron n’a pas de légitimité pour imposer son projet, Marine Le Pen n’a pas de légitimité pour imposer son projet. Mais il faut le dire, nous n’avons pas non plus de majorité et de légitimité pour imposer notre projet.»
La réalité non juridique est la suivante
abstention: 53,7%
Ensemble: 16,49%
Nupes: 13,94%
RN: 7,39%
LR/UDI: 3,11%
Le spectacle des divisions futures au parlement ne risque pas de faire revenir ces abstentionnistes dans le “jeu” démocratique.
Il ne s’agit effectivement plus de jeu au risque de l’implosion de notre société du vivre-ensemble, car plus de 50% d’entre nous ne jouent déjà plus…
Les clés d’un nouveau parlementarisme existent pour dépasser les guerres de position.
première étape: les groupes politiques décident de se mettre d’accord sur leurs désaccords en soulignant ce sur quoi ils ne feront chacun aucun compromis.
seconde étape: ils valident et gravent dans le marbre leur engagement mutuel à ne légiférer que dans l’intérêt de tous sans jamais laisser une catégorie sociale ou un territoire de côté; ils se mettent donc d’accord sur ce qui pourrait être ce qui les rassemble.
Troisième étape: ils listent les sujets sur lesquels ils ont des idées de réforme et essaient de construire des périmètres de négociation trans-partisans en associant leurs différences.
exemples:
- comment réformer un système de retraite sans léser les plus faibles en garantissant un financement pérenne?
- comment optimiser les ressources énergétiques du pays en éliminant ce qui impacte le climat et en mettant en place des transitions pour les territoires fragiles?
- comment améliorer la sécurité des biens et des personnes en réconciliant police, justice et citoyens?
Il ne s’agirait pas de présenter des projets ou des propositions de lois mais de poser aux parlementaires des périmètres de négociation après avoir validé, ce qui nous sépare, ce qui nous rassemble et ce qui est différent sans s’opposer.
Une véritable culture du compromis consiste à laisser la place à la négociation, c’est à dire un renoncement à ce que l’on nomme hypocritement le “régalien”.
Dur de changer la culture du combat en culture du débat.
Yves Halifa
20 juin 2022
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