Négocier avec la CGT ?
Pour Philippe Martinez, de la CGT, le gouvernement actuel chante…il chante faux.
Hier, 24 novembre, Réalités du dialogue social (http://www.rds.asso.fr/) accueillait Philippe Martinez, secrétaire de la CGT pour un petit-déjeuner convivial.
Les stéréotypes
On peut remercier Réalités du dialogue social d’organiser des moments conviviaux d’échange avec des personnes qui représentent des stéréotypes.
Beaucoup considère les syndicats comme des entités nuisibles, ou au mieux des contraintes dont on se passerait volontiers.
Le dialogue social est souvent vécu comme un jeu d’acteurs et de pouvoir.
Pourtant derrière ces acteurs il existe des personnes. Et c’est avec des personnes, leurs trajectoires personnelles, leur histoire, leurs émotions que nous devons négocier pour être efficace.
Nous négocions souvent, malheureusement, avec un chinois et non avec Monsieur Liu, avec un russe et non avec Monsieur Lavrov, , avec une femme et non avec Madame Parisot, avec des banquiers, avec des imbéciles… avec la CGT et non avec Monsieur Martinez.
Nous négocions donc avec des représentations mentales, figées et symboliques…
De plus, nous avons aussi tendance à surcharger l’image de préjugés :
• Négocier avec une femme ? C’est difficile parce qu’elles sont sensibles donc irrationnelles…
• Négocier avec des ingénieurs ? C’est stérile parce qu’ils ne mettent pas leurs émotions sur la table…
• Négocier avec des commerciaux ? C’est dangereux parce qu’ils cherchent à vous rouler…
• Négocier avec des acheteurs ? C’est violent parce qu’ils sont prêts à déclencher un conflit…
• Négocier avec des patrons ? C’est inutile parce que les rapports sont inégaux…
• Négocier avec des syndicalistes ? C’est impossible parce qu’ils sont idéologues et partisans …
• Négocier avec des fonctionnaires ? C’est laborieux parce qu’ils ne comprennent rien au monde du travail et qu’ils sont protégés par leur statut…
Bref, les comportements sont typés et les jugements stéréotypés.
Pouvons-nous négocier avec une représentation mentale ?
Non, car il s’agit d’images et de préjugés, et non de l’histoire de la personne.
Quand nous négocions avec un autre que nous, nous négocions avec une autre histoire que la nôtre. Chaque personne, chaque négociateur porte en lui des forces et des faiblesses dues à sa propre histoire.
Pour comprendre l’autre, il faut le connaître au-delà de son apparence physique, de sa nationalité et de sa culture. Il faut appréhender son histoire personnelle, ses réseaux d’appartenance, ses goûts et ses dégoûts…
Que veut donc la CGT ?
“Nous voulons un État stratège et nous voulons une sécurité sociale professionnelle “:
- Nous revendiquons un État qui structure les territoires avec une fonction publique efficace, qui s’oppose à la désindustrialisation.
- Oui nous revendiquons la mise en place de la sécurité sociale professionnelle qui garantira à chaque salarié la progression de sa carrière : cela consiste simplement de reconnaître une qualification qui ne change pas quand on change d’entreprise et de prendre en compte la compétence qui s’accroît avec l’expérience. Et pour financer cette sécurité professionnelle il faut que les grandes entreprises qui paient moins d’impôts que les PME jouent la solidarité ; je demande à Monsieur Gattaz de jouer la solidarité patronale (avec le sourire).
- Nous voulons qu’on retravaille le sens des mots. Le coût du travail est un gros mot, on devrait parler du prix du travail. Nous contestons que dans le prix global d’un produit ou d’un service, le prix payé au travail effectué dévisse alors que la part payée au capital augmente.
- Il faut arrêter ce cycle infernal d’alignement sur le moins-disant. Chez Renault que je connais bien et dont je suis issu, on nous dit regardez notre usine espagnole ; en Espagne on leur dit regardez notre usine roumaine ; en Roumanie, on leur dit regardez notre usine turque ; en Turquie, on a les yeux rivés sur notre usine marocaine qui observe notre usine indienne jusqu’à ce qu’on dise aux indiens regardez la France !
On nous accuse ? La CGT répond.
- On nous accuse de contester la démocratie si on conteste le résultat des élections présidentielles? Est-ce qu’on n’a plus le droit de contester quand le peuple a parlé ? Pour qui les gens votent-ils ? pour des candidats qui omettent des projets qu’ils vont mettre en œuvre de manière non démocratique. Le candidat n’a jamais parlé de la Loi Travail en 2012, le président l’a mise en œuvre.
- Le droit à contester est légitime car dans une consultation électorale il y a des non dit et des engagements non tenus.
- On nous accuse d’être contre les référendums. Le problème n’est pas le référendum mais les questions qu’on pose aux salariés : Aujourd’hui les référendums portent sur voulez-vous vous couper le bras droit ou le gauche ?
Est-ce qu’il y a des débats au sein de la CGT ?
- Sur le revenu universel le débat est ouvert. Cette option est inquiétante car on part du principe qu’il n’y a pas de travail pour tout le monde et qu’il faut une compensation. C’est la négation du rôle du travail dans la structuration des liens sociaux de la vie. Le travail structure les individus. Le revenu universel est une idée noble mais il faut réfléchir sur le sens du travail.
- Il faut aussi réfléchir à la manière dont on s’adresse au nouveau salariat qui se développe dans ce que l’on appelle l’économie collaborative.
Et l’avenir, Monsieur Martinez ?
La prochaine élection sera-t-elle un rejet ou une adhésion à un projet ?
Aujourd’hui nous assistons à la casse des repères collectifs. Nos militants écoutent les salariés et nous cherchons, au-delà des revendications, à construire des repères revendicatifs collectifs.
Faut-il moins de syndicats ? S’il y a beaucoup de syndicats c’est qu’ils ne pensent pas tous la même chose. Notre conception c’est le lien aux salariés.
Nous avons besoin de réformer l’organisation interne de la CGT, on a encore des efforts à faire.
Un dernier mot
Derrière le drapeau rouge et la moustache noire il y a un homme et son sourire.
Merci Monsieur Martinez, merci à réalités du dialogue social.
Yves HALIFA
25 novembre 2016
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