Négocier,
ça commence quand on réalise qu’on ne peut pas résoudre le problème tout seul.
Adam Kahane est un faiseur de paix. (voir note 1)
Il utilise le pouvoir et l’amour qui sont, pour lui, les deux limites de nos cheminements individuels et collectifs. Si nous ne maîtrisons pas l’équilibre entre ces deux forces, nous échouerons dans nos efforts pour mettre en œuvre des changements profonds et durables.
L’actuel président de Colombie n’était que simple député quand, au cours d’un voyage en Afrique du Sud, Nelson Mandela lui dit:
“si un jour tu as besoin de quelqu’un pour t’aider à faire la paix, voit Adam Kahane.”
C’est ce que fit, Jose Manuel Santos, récent prix Nobel de la paix qui fut l’artisan de la fin de la guerre civile avec les FARC.
Que firent-ils?
- d’abord réunir une équipe d’acteurs du drame aussi diversifiée que possible
( – anciens présidents de Colombie – PDG de grandes entreprises – chefs religieux – représentants de la classe politique, de la société civile – militaires – représentants des FARC.) - ensuite, observer les relations entre les acteurs en leur proposant des séjours dans des lieux uniques (avec parfois des liaisons radio quand certains ne voulaient pas se déplacer).
- Les aider à construire un problème commun à résoudre ensemble.
- Les aider à construire des histoires, des scénarios sur ce qui pourrait advenir en fonction d’hypothèses multiples (et non des solutions).
- Découvrir avec eux, ce qui pourrait être fait et ce qui devait être fait.
- Puis, enfin, les faire se mettre d’accord sur quoi agir pour transformer la réalité existante.
Quelle fut la contribution du faiseur de paix ?
- Faire prendre conscience que l’acceptation du dialogue permet de construire la confiance progressivement.
- Faire accepter que construire la relation soit plus important que construire la solution.
- Inventer de nouvelles règles du jeu qui contraignent les acteurs à dépasser leurs oppositions.
Quelles règles novatrices ?
- Vérifier que les opposants ont bien reconnu et identifié le problème à résoudre de la même façon : les FARC considéraient le problème comme un ensemble d’injustices sociales et de mauvaise répartition des terres, et le gouvernement et les entreprises comme de la violence illégitime à base de narcotrafic et de gangstérisme.
- Vérifier que les parties sont arrivées au bout du processus de pouvoir : Le gouvernement a essayé de détruire la guérilla, mais il a vu qu’il ne le pourrait pas ; les FARC ont découvert qu’ils avaient intérêt à s’asseoir avec l’autre parce que c’était devenu la seule solution de parvenir à leurs fins.
- Saisir le bon moment, celui qui survient parce qu’on s’en est donné les moyens : mettre les gens ensemble à la table du déjeuner et demander à chacun de choisir une personne, la plus étrangère à soi, pour aller 2 par 2, marcher 1 heure ensemble.
Quelles difficultés ont-ils rencontrées ?
Certains ont tenté d’éviter le conflit avec des compromis « pourris » ; il a fallu faire accepter qu’une crise est toujours utile et qu’on ne doit pas laisser passer une bonne crise.
Parfois il devenait impossible de finaliser des accords ; il a fallu montrer que les bénéfices de la collaboration étaient supérieurs à la signature d’un accord.
Adam Kahane considère ainsi que l’objectif n’est pas de se mettre d’accord mais d’établir des connexions, que la possibilité de se parler c’est le plus important.
L’important n’est pas que nous ne sachions pas quoi faire, mais de savoir qu’on doit faire quelque chose.
Un dernier mot
Est-il possible de transposer cette analyse dans le monde de l’entreprise ? oui répond le faiseur de paix mais attention :
« Ça prend 9 mois pour faire un bébé, même si tu mets plusieurs personnes pour faire le travail »
Yves HALIFA
1er novembre 2016
Note 1: Adam Kahane est directeur de Reos Partners (www.reospartners.com), une entreprise internationale à vocation sociétale qui aide les organisations et les équipes à progresser sur leurs problématiques complexes, voire leurs problèmes apparemment insolubles.
Note 2: cet article a été rédigé à l’aide d’une interview d’Adam Kahane réalisée par le quotidien québécois, le Devoir du 7 octobre 2016, numéro 235,
et d’une conférence APM (www.apm.fr) : https://www.apm.fr/adam-kahane-penser-le-futur-les-scenarios-pour-la-transformation/
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