Alors chers amis français, comment avez-vous trouvé vos candidats lors du débat du 20 mars dernier ?
- Bof ! dit Emile, aucun n’avait vraiment de stature présidentielle.
- De plus, ajoute Patricia, ils ont tous des casseroles, et j’irai voter blanc.
- Attends, intervient Pascale, il y en a deux qui sont propres, Hamon et Mélenchon !
- Ça n’est pas ça le problème, interrompt Fabrice, le Hamon il a des raisonnements de maître d’école et pour le suivre avec les nœuds dans la tête qu’il te fait, ce n’est juste pas possible. Le Mélenchon, il est drôle quand il dit qu’il faut faire un code de la route pour chaque route si on fait un code du travail par entreprise, mais il bouge trop et j’aime pas quand me donne des leçons d’histoire; et je ne parle pas du Macron, avec sa petite voix suraigüe, il fera jamais président !
- Et si on parlait de la manie qu’ils ont presque tous à s’habiller pareil, costume bleu et cravate bleu ? Ils ont tous demandé conseil au Fillon ? Ils croient encore que l’habit fait le moine, s’exclame Rosalie…
- Bon, il est vrai qu’avec la Marine on sera pas déçu par l’appauvrissement, mais au moins, on restera entre Français et mes gosses, je leur botterai les fesses pour aller bosser l’été sur les chantiers que ces paresseux d’arabes et de renois auront quitté pour rentrer enfin chez eux, conclut Kader avec un grand éclat de rire grinçant…
- Tout ça ne me dit pas qui aura “cette épaisseur présidentielle” nécessaire à la fonction! certainement pas Macron, dit Jean-Pierre R. qui avait lui-même forcé sur la crème fraiche et le vin blanc lors de son long passage au Sénat.
Et toi, John, comment tu vois les choses, toi qui nous quittes bientôt ; qu’est-ce que tu vas faire avec ta maison dans le Périgord ? Tu la vends ou tu demandes ta naturalisation française ? Et ton fric tu le mets au Luxembourg ou à Singapour ?
Que dire encore de la pauvreté du débat politique actuel ?
Que dire de cette négociation avec nous-mêmes où s’entremêlent, la peur de l’avenir, la haine de l’autre, l’incompréhension du monde qui change ?
Que dire de ce besoin d’homme (ou de femme) providentiel qui va nous tout nous expliquer, nous guider, nous éclairer l’avenir ?
Que souhaitent donc les Français?
Un Commandatore? Un Conducatore? Un génie des Carpathes? Un Fuhrer? Un Lider maximo? Un petit père des peuples?Un grand timonier?
Un Napoléon IV?
On ne veut plus discuter, on veut une force tranquille à suivre sans se poser trop de questions.
On veut de la stature présidentielle et un costume premier prix de chez Hugo Boss qui ne coûte pas trop cher.
On veut acheter et parler français mais qu’on nous achète (cher) nos TGV, nos airbus (ils sont à nous au fait?), nos camenbert AOC…
Le Frexit est-il dans le Brexit ?
Une fois de plus, on arrête de réfléchir au milieu du gué.
Une fois de plus la négociation n’est pas l’ADN des français.
Comment va-t-on pouvoir négocier dans ce nouveau monde multipolaire quand déjà on ne sait pas négocier avec soi-même ?
Qui, quelles forces, quels intérêts, quelles options créatives vont-elle pouvoir surgir au cours des prochaines négociations obligatoires qui se profilent à très court terme après les élections françaises du printemps et allemandes de l’automne ?
Deux négociations à l’horizon, mais avec quels négociateurs ?
Le 29 mars Theresa May va appuyer sur le bouton SORTIE.
Il faudra trouver des solutions pour :
Créer le futur statut des 3 millions d’européens installés au Royaume uni et des 2 millions de britanniques vivant sur le continent.
Quelles options ? : Le statu quo ? La naturalisation ? La progressivité du retrait et de la conservation des avantages ? Qu’est-ce qui va disparaître et à quel rythme ?
Les objets de négociation seront les droits de résider, de travailler, d’étudier, d’accéder aux soins…
Il faudra créer des solutions pour :
Régler la somme due par Londres, soit 60 milliards d’euros. Londres voudra récupérer les 12 à 13% de la valeur des bâtiments de l’U.E., le produit de la revente des parts du capital de la B.E.I.
Il faudra créer des solutions pour :
Renégocier la dizaine d’accords de libre-échange avec une dizaine d’années de négociation.
Il faudra créer des solutions pour :
Pour se mettre d’accord sur des règles du jeu, on voudra parler finances avant tout dit l’U.E. pendant que le Royaume Uni va tenter des discussions séparées et s’essayer à la division,
pour conserver un minimum de confidentialité, pour que les fuites dans la presse ne puissent étouffer toute forme de compromis en voie d’élaboration.
Mais, comme écrivait Alexis de Tocqueville dans De la Démocratie en Amérique :
L’esprit humain fonctionne plus lentement que le monde qui l’environne.
La démocratie était déjà à l’œuvre en tant que force irrépressible dès le Moyen-Âge :
- les croisades et les guerres anglaises avaient affaibli la noblesse et divisé leurs terres.
- Les communes constituaient depuis des temps anciens des formes d’auto-organisation sans seigneur.
- L’apparition des armes à feu mettait à égalité manants et chevaliers sur les champs de bataille.
- La poste irriguait les territoires éloignés des centres de décision de plus en plus rapidement.
- Le protestantisme valorisait le travail au détriment de la naissance.
- La découverte du continent américain rebattait les cartes de l’origine des richesses.
Mais le pauvre conservait :
- les préjugés de ses pères sans les croyances
- son ignorance sans les vertus
- son intérêt sans la science
- son égoïsme sans lumières
Pour conclure,
L’élection de Donald Trump et le succès électoral du Brexit sont les deux signaux d’alarme que devraient prendre en compte nos concitoyens :
La victoire des mensonges délibérés, grossiers et énormes mais bien insérés dans une belle histoire à faire peur prouve que nous sommes encore des enfants.
Nous préférons les histoires à dormir debout plutôt que des faits établis, observables et des raisonnements documentés et argumentés.
68% des Français pensent que seuls des hommes politiques qui mentent ou qui sont corrompus peuvent être élus.
Faut-il séduire pour convaincre ?
Faut-il dire la vérité pour avoir raison ?
Mais la vérité peut-elle être séduisante ?
Sommes – nous comme Lucien Leuwen, un des héros de Stendhal:
je m’ennuierais en Amérique, au milieu d’hommes parfaitement justes et raisonnables, si l’on veut, mais grossiers, mais ne songeant qu’aux dollars. ils me parleraient de leurs dix vaches… Je ne puis vivre avec des hommes incapables d’idées fines, si vertueux qu’ils soient; je préférerais cent fois les moeurs élégantes d’une cour corrompue… j’aime mieux me trouver dans le même salon que M. de Talleyrand.
Il existe encore beaucoup de monde, y compris chez les chefs d’entreprise, pour considérer qu’un bon négociateur doit être rusé, brutal, matois, grand, puissant et contrôlé.
On savait que les Français n’étaient pas bons négociateurs, on a peur d’apprendre qu’ils n’aiment pas la démocratie.
La démocratie se tient pour acquise et ne se pense pas.
Yves Halifa
21 mars 2017
j’ai utilisé pour rédiger cet article des éléments d’information chez Guillaume Maujean, des Échos et chez Clément Boisseau de BETC. qu’ils en soient remerciés.
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