La fin de l’été sera chaude !
Pendant que le président préside d’un air martial au cœur de l’été, les négociations se nouent et se dénouent pour décider ce qui sera la vie quotidienne de 18 millions de salariés dans les entreprises à partie du mois d’octobre. J’ai dit négociations ?
Peut-être pas.
Pourquoi ne pas parler franchement ? s’agit-il de négocier ?
3 questions :
- Veut-on négocier ?
- Pourquoi ne pas le dire ?
- Avec qui négocie-t-on ?
Première question :
l’emploi de termes de vocabulaire nuancés, donc complexes et difficiles à comprendre pour les citoyens laisse à imaginer soit de la mauvaise volonté, soit de la manipulation, soit de l’incompétence.
consultation,
concertation,
discussion,
négociation,
décision,
sont des mots qui recouvrent des réalités différentes.
La consultation c’est l’action de consulter quelqu’un, de lui demander son avis, pas automatiquement d’en tenir compte…
Il y a eu une consultation des partenaires sociaux.
Le gouvernement dit avoir recueilli et tenu compte de leurs avis.
La concertation c’est l’action, pour plusieurs personnes, de s’accorder en vue d’un projet commun ; elle se distingue de la négociation en ce qu’elle n’aboutit pas nécessairement à une décision, mais qu’elle vise à la préparer.
Nous sommes encore dans le temps de la concertation a déclaré le PM. A la fin de l’été viendra le temps de la décision, quand les ordonnances seront publiées.
La discussion, c’est un terme plus compliqué qui est peut-être plus proche de pourparlers entre des personnes, des partenaires sociaux, des représentants qualifiés d’États, menée en vue d’aboutir à un accord sur les problèmes posés.
C’est peut-être le début de négociation ? sans officialisation en tout cas.
La négociation est un processus qui se traduit par la confrontation d’intérêts matériels ou quantifiables incompatibles pour deux ou plus interlocuteurs, en général, durant un laps de temps déterminé.
“Les syndicats se demandent s’ils pourront vraiment négocier le contenu des ordonnances lors des séances plénières.”
Deuxième question :
la parole circule entre le gouvernement, les organisations d’employeurs et les organisations syndicales. Sur chacun des sujets de cette future loi travail des pistes sont évoquées, proposées, amendées, rejetées…
Pendant ce temps les parlementaires attendent.
Ils attendent de parlementer en se demandant ce que sera leur rôle.
«Vous nous demandez de vous autoriser à faire à peu près tout ce qui vous chante sur l’ordre juridique et social de 18 millions de salariés et de renoncer, sur un sujet majeur, à notre rôle de législateur. Vous n’aurez pas notre blanc-seing pour jouer les apprentis sorciers avec le code du travail».
C’est entre les conseillers et les syndicats que des évolutions peuvent être négociées, le texte de la réforme n’étant pas débattu par les députés.
Pourquoi ne pas dire qu’il n’y aura de négociations ni avec les partenaires sociaux ni avec les parlementaires ?
La nature même de légiférer par ordonnance exclut le champ de la négociation raisonnée qui a pour but de satisfaire toutes les parties en créant de nouvelles options.
Ce qui nous conduit à la troisième question :
Avec qui négocie-t-on ?
Le quotidien en ligne, Les Jours, se la pose cette question, et y répond en écrivant que tout se passe entre conseillers en attendant l’arbitrage du Prince (tiens, j’avais oublié que le président avait étudié Machiavel…).
“Au Ministère du Travail, rue de Grenelle, les syndicats ont le sentiment que se joue une partition en forme de faux-semblant. À chaque entrevue, les membres du cabinet organisent un tour de table et prennent des notes.”
Les conciliabules (tiens, encore un autre terme de vocabulaire pour éviter de parler de négociation) se tiennent aussi à l’hôtel de Matignon et à l’Élysée entre conseillers du premier ministre, du président, et des syndicats.
“Mais « tout reste très flou », note Michel Beaugas, négociateur de Force ouvrière (FO). Le ministère du Travail se garde bien de toute parole définitive. « Quand le cabinet de Muriel Pénicaud nous donne une information ou des précisions, il ajoute tout de suite que rien n’est tranché », explique Fabrice Angei, négociateur pour la CGT.”
Au lendemain de son élection, Emmanuel Macron a reçu les syndicats un à un en présence de son conseiller social, Pierre-André Imbert. Depuis, les échanges se poursuivent au travers d’entrevues officieuses, non inscrites à l’agenda.
« Officiellement, nous discutons avec le cabinet de la ministre du Travail. Mais oui, il y a des contacts avec l’Élysée en cette période cruciale », reconnaît Michel Beaugas, sans vouloir en dire plus – du côté de la CGT, on nie même ces contacts pourtant confirmés par plusieurs sources syndicales. Il n’est pas rare que ces rencontres aient lieu peu de temps après une entrevue rue de Grenelle. Pour les syndicats, difficile alors de savoir si l’Élysée tente, par ce biais, de vérifier le bon alignement du ministère avec ses propres positions, décornaquer la discussion ou même de fliquer certains d’entre eux…”
La connaissance des personnes facilite la confiance mais renforce le phénomène de l’entre soi.
“J’ai déjà négocié quatre accords sur l’assurance chômage avec Antoine Foucher. Effectivement, c’est plus facile de discuter quand on se connaît. Cela permet un travail en confiance. On se dit les choses, on peut avancer », selon Michel Beaugas, négociateur Force ouvrière (FO).”
Conclusion
Le plus important diront certains, c’est que tout le monde puisse se parler.
Oui mais à condition que les citoyens fatigués (voir article précédent du 20 juin) puissent se reconnaître dans les institutions dites représentatives, syndicats et parlementaires…
Et, pour bien négocier, attention aux phrases qui fâchent :
“Muriel Pénicaud avait évoqué un Dalloz
«fait pour embêter 95 % des entreprises».”
Yves HALIFA
14 juillet 2017
Cet article a été rédigé avec des emprunts effectués aux deux quotidiens, Les Échos, et Les Jours.
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